Difficile de croire que non loin de Trois-Pistoles, dans la MRC des Basques, se trouve un territoire s’avérant être pratiquement une zone de non-droit, un véritable lieu de trafic d’influence, le tout au bénéfice d’une centaine de personnes. Et pourtant… Le documentaire Boisbouscache – territoire sous influence, de Jean-Claude Coulbois, lève le voile sur cette situation inédite et à tout le moins inquiétante.
Zone d’environ 150 kilomètres carrés, Lac-Boisbouscache appartient aux Québécois. Enfin, seulement la forêt, et seulement lorsqu’il est question d’y accéder. Pour le reste, s’il l’on veut pratiquer la chasse ou la pêche dans cette région riche en ressources, il faut plutôt faire jouer ses contacts pour entrer au Club Appalaches, le dernier club de chasse disposant de droits exclusifs sur le territoire québécois.
Comment cela est-il possible? Comme l’explique le cinéaste, dans le cadre d’une explication qui est à la fois franchement absurde et typique de l’inertie du gouvernement – quand il ne s’agit pas purement et simplement de copinage –, les droits de chasse et pêche ont été achetés, puis vendus et revendus, mais sans jamais que Québec décide d’y mettre le holà et d’abroger le tout.
Résultat, cette gangue de forêt et d’eaux poissonneuses, qui représente environ le tiers du territoire de la MRC, est techniquement publique, mais cela n’empêche pas les propriétaires et les membres du club de tenter de dissuader l’honnête citoyen d’y mettre les pieds.
Ajoutez à cela la présente de la Première Nation Malécite, dont les revendications territoriales englobent entre autres cette zone contestée, et vous obtenez des situations parfois tendues.
Et pour compliquer encore plus les choses, car elles étaient certainement encore beaucoup trop simples, le territoire de Boisbouscache et ses alentours est maintenant le site d’un gigantesque projet éolien, projet qui a poussé les membres du club à tenter d’obtenir leur part du gâteau. L’affaire s’est réglée hors cours, mais l’audace de ces quelques chasseurs et pêcheurs a fait bondir bon nombre de citoyens, à commencer par plusieurs élus.
Pourtant, l’affaire est classée, semble-t-il. Comment se fait-il que ce club ait autant d’influence? Pourquoi le gouvernement n’a-t-il rien fait, après toutes ces années? Le cinéaste pose toutes ces questions, mais n’offre malheureusement pas de réponses. Peut-être que ces dernières n’existent pas. Mais il aurait été intéressant que les instances décisionnelles soient davantage talonnées.
Quoi qu’il en soit, Boisbouscache – territoire sous influence est un documentaire en apparence anodin qui, à mesure que s’écoulent les minutes, révèle toute son ampleur et son importance. Une preuve, comme si cela était nécessaire, que l’inertie sociétale et la préservation des intérêts ont malheureusement le bras très long.