Rétracter des publications scientifiques ne réduit pas la portée des études problématiques sur les plateformes numériques, tel que souhaité. En fait, les études qui sont par la suite rétractées sont souvent largement partagées en ligne, autant par des médias traditionnels que sur les médias sociaux, et le cycle d’attention portant sur ces contenus a souvent le temps de se conclure avant que la rétractation n’ait lieu, selon une nouvelle étude.
Ces travaux, réalisés par les universités du Michigan et Northwestern et publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences, a des implications inquiétantes concernant la dissémination d’informations erronées et la confiance du public envers la science, affirment les chercheurs impliqués.
Ces derniers avancent d’ailleurs deux constatations : les études rétractées attirent davantage l’attention que des études ne souffrant pas de problèmes particuliers en raison du fait qu’ils peuvent contenir des affirmations sensationnelles ou nouvelles, et si la plateforme Twitter contribue à la dissémination des informations erronées, elle permet aussi de recevoir rapidement des signaux à propos d’éventuelles erreurs dans une nouvelle étude.
« Les nouveaux résultats ont davantage de chances d’être publiés dans des magazines spécialisés », affirme Hao Peng, l’un des auteurs de l’étude. « Et donc, les études qui sont éventuellement rétractées recevront davantage d’attention parce que leurs résultats sont flashy. »
Lorsqu’une étude est rétractée, l’objectif consiste à officiellement discréditer les conclusions et reconnaître que les travaux sont incomplets ou erronés, et donc de préserver l’intégrité du processus scientifique. Mais bien des gens qui entendent parler des conclusions initiales n’apprennent souvent jamais que les travaux sont ensuite rétractés.
Pour mieux comprendre le cycle d’attention envers les études rétractées, M. Peng et ses collègues ont analysé des bases de données de médias sociaux et de médias traditionnels pour y détecter les mentions des travaux tombés en disgrâce.
L’équipe a ainsi comparé l’empreinte numérique de 2830 études rétractées à celle de 13 599 études sans problèmes qui possédaient des caractéristiques similaires. Ensuite, les chercheurs ont évalué l’attention accordée aux deux groupes d’études, d’abord six mois après la publication, puis après la rétractation des travaux.
Ils ont constaté que sur Twitter, la portion de messages critiques était plus de deux fois plus importantes, à propos des études éventuellement rétractées qu’à propos des autres, ce qui porte à croire que les internautes reconnaissaient de façon consistante que quelque chose n’allait pas avec la façon dont ces travaux étaient effectués.
L’équipe scientifique a aussi constaté que les études rétractées avaient tendance à être davantage mentionnées sur les réseaux sociaux, dans les médias en ligne, ainsi que sur des blogues et sur Wikipédia, comparativement aux travaux « corrects ».
« Les médias sociaux, et même les grands médias – les publications les plus prestigieuses qui couvrent l’actualité scientifique – sont davantage portés à parler d’études qui finissent par être rétractées », mentionne la coautrice de l’étude Agnes Horvat.
Lorsque les rétractions se produisent, l’attention des internautes est brièvement alimentée par ces annonces, mais le phénomène est bien moins important que l’attention accordée précédemment à ces mêmes travaux, ce qui laisse entendre que la plupart des gens n’entendent jamais parler du retrait des résultats. En fait, M. Peng note que les études rétractées continuent souvent d’être citées par d’autres chercheurs, même après la rétraction.
« L’une de nos principales conclusions est que les rétractions surviennent trop tard », affirme un autre coauteur de l’étude, Daniel Romero. « Les rétractions demeurent importantes, mais elles ne remplissent pas leur fonction consistant à réduire l’attention accordée à ces études problématiques, puisque lorsque le retrait survient, le public n’accorde plus vraiment d’attention à l’étude originale. »