Au Myanmar, le contrôle particulièrement serré de la junte militaire au pouvoir sur le web inquiète les instances onusiennes en matière de droits de la personne. La dictature profite en effet de sa mainmise sur les télécommunications pour imposer de la censure, des coupures de réseau et une surveillance constante de l’opposition et des citoyens.
Dans le cadre du dévoilement des résultats d’une série d’observations effectuées sur place par des experts internationaux, il a été notamment révélé que la junte a récemment imposé des coupures dans des régions du pays d’Asie du Sud-Est où se concentrent les mouvements d’opposition. Ces experts onusiens affirment que cette chape de plomb permettrait de « cacher les atrocités en cours » du gouvernement.
« Les obstacles à l’accès à Internet entravent les efforts déployés par les journalistes, les observateurs des droits de l’homme et les organisations humanitaires pour recueillir des preuves des violations des droits de l’homme commises par les militaires ou servir les populations à risque », ont dit dans une déclaration commune, Thomas Andrews, Rapporteur spécial sur la situation au Myanmar ; Irene Khan, rapporteure spéciale sur la protection de la liberté d’expression ; la Dre Ana Brian Nougrères, rapporteure spéciale sur le droit à la vie privée ; et Clément Nyaletsossi Voule, rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, dans des déclarations retransmises par les Nations unies.
Dans l’ex-Birmanie, la quasi-totalité des moyens de télécommunications appartiennent, directement ou non, à l’armée; trois des quatre fournisseurs de services auraient des liens avec la junte, indique des experts. Pourtant, ces moyens de communication contemporains (téléphonie cellulaire, internet) sont « une question de vie ou de mort pour de nombreuses personnes au Myanmar, notamment celles qui cherchent à se protéger des attaques aveugles de l’armée et les millions de personnes qui tentent de faire face à une crise économique et humanitaire dévastatrice », mentionnent les experts.
À la suite du coup d’État militaire du 1er février 2021 au Myanmar, la junte a imposé des coupures d’Internet roulantes à l’échelle nationale et a bloqué l’accès aux médias sociaux et aux plateformes de messagerie. Depuis août 2021, une trentaine de communes dans sept États et régions auraient connu des coupures d’Internet, et 23 autres communes auraient subi des restrictions de vitesse de débit, rappellent les rapporteurs.
Autre méthode de contrôle des communications au Myanmar : la hausse des prix. Puisque le gouvernement contrôle les fournisseurs, il est facile d’imposer des hausses de tarifs, de taxer les données ou les cartes SIM, etc. Le tout dans la perspective selon laquelle les personnes les plus aisées sont généralement celles qui ont des accointances avec le régime, tandis que les moins riches font habituellement partie de la classe populaire, qui a bien souvent des raisons de détester le gouvernement en place.
Toujours selon les rapporteurs de l’ONU, la junte planche sur un projet de loi qui pourrait bloquer les contenus web sans avoir besoin de l’accord des tribunaux, en plus de pouvoir interdire l’utilisation des réseaux privés virtuels, une façon d’échapper au traçage en ligne, le tout accompagné d’une peine de trois ans de prison pour les « criminels ».
« Les États membres doivent agir rapidement pour mettre un frein aux efforts de la junte visant à ramener le Myanmar à l’âge des ténèbres numériques », ont soutenu les experts indépendants de l’ONU. Comment? En empêchant notamment la vente de technologies et d’appareils de surveillance à destination du Myanmar. Les pays membres des Nations unies sont aussi fortement invités à adopter des sanctions contre l’armée birmane et les entreprises qui y sont liées.