À la fin des années 1960, le dessinateur André Montpetit, dit « Arthur », a enflammé l’univers de l’affiche et de la bande dessinée au Québec par son trait de crayon, ses couleurs psychédéliques et ses compositions « coulantes ». Le producteur du documentaire sur le député-poète Gérald Godin, Marc-André Faucher a donné la chance à Saël Lacroix de réaliser son premier long métrage sur ce dessinateur hors-norme, Sur les traces d’Arthur ( 2015 ).
Sous la direction du poète Claude Haeffely, le premier groupe de bédéistes constitué au Québec nommé Chiendent, qui signifie « mordant », a fait publier leurs dessins dans divers périodiques au tournant des années 1960. André Montpetit s’était joint au groupe. Ses cinq planches publiées entre 1969 et 1971 par le magazine québécois Perspectives, feuilleté « d’Ottawa à Percé », ressortent parmi les plus achevées de son temps.
Avant d’arriver à ce sommet, Arthur s’est fait connaître en participant à l’Atelier libre de recherche graphique fondé par le graveur Richard Lacroix. Si ce dernier prenait en charge l’organisation de ce laboratoire artistique, André Montpetit faisait figure d’« électron libre » assis dans son coin sans jamais se départir de sa tablette à dessin. Il observait tout et commentait la réalité avec une pointe d’ironie.
On suppose qu’il tient son talent pour le graphisme de son père, un illustrateur publicitaire prospère. Par contre, le caractère rebelle d’Arthur faisait en sorte qu’il retournait cette « technique de la promotion » qu’est la publicité envers le consumérisme et autre absurdité du pouvoir. Ses dessins, ses affiches et ses sérigraphies sont empreints d’un humour féroce, choquent le bon goût et bousculent les idées reçues.
Quête du héros
Le documentaire repose sur une intrigue: qu’est-il arrivé à Arthur, complètement disparu dans les années 1980 ? « Aussi tragique que mystérieux, le destin d’André Montpetit m’interpelle depuis l’adolescence. Je devais avoir 14 ans quand l’histoire m’a été transmise pour la première fois par mon père, le peintre graveur Richard Lacroix », écrit le réalisateur Saël Lacroix.
Pour arriver à cerner l’ermite nihiliste, le réalisateur a rencontré plusieurs artistes qui l’ont bien connu, dont le fameux caricaturiste Serge Chapleau. À cette série d’entrevues, le documentariste a agencé une représentation visuelle très intéressante de son œuvre montrant les originaux d’une part, mais des représentations de ces images modifiées d’autre part, modifiées en fonction du propos filmique. À cela, des travellings de caméra qui segmentent la ville de Montréal en cases de bande dessinée ont été ajoutés.
Mauvaise case
Évidemment, ce documentaire nous permet de connaître ce dessinateur talentueux presque oublié de l’imaginaire collectif. Cependant, Arthur, comme Cavanna le fondateur de Charlie Hebdo, est un être subversif. Il le répète de multiples façons tout au long du film qu’il ne veut pas attirer les projecteurs sur lui.
La réaction du documentariste Saël Lacroix, comme pour Denis Robert qui a réalisé un documentaire sur Cavanna à la fin de la vie de ce dernier, est de faire un portrait documentaire en sa mémoire. Cela pose problème d’un point de vue philosophique puisque le documentaire nie la raison qui a rendu son existence si extraordinaire, du moins pour en faire un film.
Cela pose problème puisqu’on cherche à reconstruire, non pas quelqu’un qui s’est ou a été déconstruit, mais quelqu’un qui se contentait de vivre à travers la création. André Montpetit se fondait dans la masse. Pourquoi ne pas supposer qu’il se projetait dans l’effervescence qu’il observait autour de lui ? Après la vague contestataire des années 1960 et 1970, son retrait du monde était peut-être circonstanciel… non pas à cause de son âge.
On attend la suite, un documentaire qui compare les dessins d’Arthur à ceux de ses collègues d’atelier et des autres artistes de cette époque en ébullition. Au fond, c’était le langage avec lequel il s’exprimait.
À l’affiche à la Cinémathèque québécoise à partir du 21 octobre.