Si tout le monde s’entend sur le fait que la pandémie a fait prendre du retard à des millions d’enfants dans leur parcours scolaire, les pistes de solution pour un rattrapage sont, elles, loin de faire l’unanimité.
Davantage de tutorat? De cours de rattrapage? Petits ou grands groupes? Les solutions seront sans doute différentes suivant les pays et les catégories d’âge, mais même au cas par cas, il sera difficile de choisir les stratégies sur la base de données probantes, déplore un récent reportage de la revue scientifique Nature. « Le problème fondamental est que plusieurs praticiens ne croient pas que [l’éducation] sera jamais une science », déclare Andreas Schleicher, qui dirige la division de l’enseignement à l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). « On n’attend pas du professeur qu’il épluche les revues académiques et les politiques en éducation sont souvent déterminées par l’idéologie des fonctionnaires plutôt que par de la recherche qui montre ce qui fonctionne. »
L’enjeu est pourtant de taille. L’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) estime à 1,6 milliard le nombre d’étudiants qui ont été affectés par la COVID. Dans les pays riches, les enfants les plus vulnérables l’ont été plus que d’autres et dans leur ensemble, les pays pauvres ont été affectés davantage. Aux Philippines et au Bangladesh, les écoles ont été totalement fermées pendant 13 mois.
Sauf que « affectés » peut vouloir dire beaucoup de choses : quels sont les apprentissages qui ont été perdus pendant un des confinements et qui n’ont pas (encore) été récupérés? Quels seront les impacts sur la future vie personnelle et professionnelle de ces jeunes? Dans la région Asie-Pacifique, la directrice de la division sur l’inclusivité en éducation, estime que 10 millions de jeunes ne retourneront carrément pas à l’école. Et même aux États-Unis, où les écoles ont été fermées moins longtemps et ont rouvert dès l’automne dernier, on note dans plusieurs régions un taux « d’absentéisme chronique » anormalement élevé dans les écoles secondaires, relatait récemment le New York Times.
Ces deux années de pandémie pourraient-elles être l’occasion de repenser certains aspects de l’enseignement, plutôt que de revenir à la « normale »? « Chaque fois qu’il y a une crise dans le monde, nous nous dépêchons de revenir à la vieille normale », déclare aussi dans Nature un chercheur australien en éducation, John Hattie.
Là où l’après-pandémie pourrait être une opportunité, c’est justement du côté de la recherche. Des fonds sont disponibles pour aider les écoles à travers le monde et bien des pays sont anxieux de savoir ce qui fonctionne. Nature cite deux organismes qui ont une longueur d’avance en la matière (le Britannique Education Endowment Foundation, et l’Américain Institute of Education Sciences) et dont les investissements des prochains mois seront sans doute scrutés par un grand nombre de gens. « Ce moment est réellement unique, pour changer la conversation sur les données probantes en éducation », affirme la psychologue et chercheure Nancy Madden, de l’École de l’éducation Johns Hopkins à Baltimore. « Les gens veulent quelque chose qui fonctionne, ils ne continuent pas juste à faire ce qu’ils faisaient d’habitude. »