« Montréal a été fondée ici… ou plutôt là » : grandir à Montréal signifie souvent ce passage obligé par Pointe-à-Callière, le musée d’archéologie et d’histoire qui surplombe le lieu où, il y a près de 400 ans, Paul Chomedey de Maisonneuve a fondé ce qui est devenu une métropole de plus d’un million d’habitants. Quant au musée, il célèbre ses 30 ans et n’a pas pris une ride.
En fait, retourner à Pointe-à-Callière, c’est un peu retrouver un vieil ami. Oh, il n’est jamais disparu, mais avec les années, on s’est dit que la boucle avait été bouclée, que l’histoire de la fondation de Montréal était connue, tout comme certaines étapes subséquentes (et mêmes précédentes), l’emplacement ayant d’abord servi de lieu de rencontre et d’échange pour des Premières Nations, avant d’être le lieu de la fondation de la ville, le site des premières installations françaises permanentes sur l’île, avant d’éventuellement abriter le siège d’une compagnie d’assurance… Et de devenir finalement un musée, dont les portes se sont ouvertes en 1992.
Et pourtant, comme l’indique Marie-Josée Robitaille, directrice des communications et du marketing du musée, l’histoire, et même l’Histoire avec un grand h, a le pouvoir de se renouveler et de se transformer.
Bien entendu, les ruines sont les mêmes, mais leur interprétation a quelque peu varié. Mme Robitaille indique ainsi que la place accordée aux Premières Nations, avec qui les colons français se sont parfois bien entendu, mais aussi à qui elles ont parfois fait la guerre, est maintenant plus importante. Pour ce faire, le musée a consulté des aînés de plusieurs communautés pour obtenir des témoignages transmis à travers les générations, en plus d’hériter d’objets à la valeur culturelle importante.
L’autre point fort de l’exposition permanente tient en deux volets : d’abord, l’égout collecteur fermé qui se trouve dans le sous-sol de l’institution muséale, le premier du genre à Montréal, a été prolongé sur quelques dizaines de mètres pour atteindre un pavillon ouvert il y a quelques années seulement. Il s’agit d’un bâtiment surplombant les ruines du Fort Ville-Marie, une installation fortifiée construite aux débuts de Montréal.
Et s’il était déjà impressionnant de se déplacer dans les vestiges historiques, ceux-ci étaient largement les ruines d’un bâtiment du 19e siècle. Impressionnant, certes, mais le fait de marcher au-dessus de ce qui reste de ce fort datant du 17e siècle apporte quelque chose de plus. D’autant que les visiteurs se déplacent sur un épais plancher vitré, qui permet d’observer avec attention (et intérêt!) ce nouveau pan de l’histoire de la ville.
Le dernier « gros » morceau, enfin, c’est ce total incroyable d’environ 40 000 objets historiques, acquis ou gracieusement obtenus de la part du public, qui racontent la « petite » histoire, celle qui ne creuse pas de fondations et n’érige pas de remparts, mais qui forme malgré tout la base de la société montréalaise.
Des boîtes en fer forgé de la compagnie Viau aux catalogues de chez Dupuis Frères, en passant par des vêtements en fourrure vendus chez Ogilvy au tournant du siècle, sans oublier d’autres témoignages sur le temps qui passe entre la rive sud et la rive nord – de Québécois de souche, mais aussi des immigrants de tous les pays, de toutes les vagues, de toutes les époques –, l’histoire de Montréal se retrouve dans le sang qui circule dans les veines de ses résidents. Et cela, Pointe-à-Callière l’incarne sans coup férir. On lui souhaite encore de nombreuses décennies de préservation, d’exploration et de découvertes.