Martin Prévost
Henning Mankell a publié son dernier roman quelques mois avant sa mort, alors qu’il combattait le cancer qui l’a emporté à l’automne 2015. La traduction française de cet ouvrage, qui est l’œuvre d’Anna Gibson, est parue chez Seuil, en août dernier et a pour titre Les bottes suédoises.
Les bottes suédoises surviennent plusieurs années après Les chaussures italiennes et en sont la continuité sans en être vraiment la suite. Oui, nous y retrouvons Fredrik et sa fille Louise, mais l’histoire qu’on nous raconte est indépendante de la précédente et possède sa vie propre.
Difficile de deviner l’expérience du lecteur qui n’a pas lu Les chaussures italiennes, mais pour quiconque l’a lu, l’effet est instantané. On se rappelle immédiatement le caractère bourru du chirurgien dont la carrière a pris fin après une opération ratée. Le vieux monsieur plutôt irascible qui vit sur son île, dans un archipel suédois peu peuplé et qui prend son bain dans la mer chaque matin, été comme hiver, quitte à devoir casser la glace pour ne pas sacrifier à son habitude.
Ses habitudes, il les perdra vite, comme il a pratiquement tout perdu dans l’incendie mystérieux de sa maison. Sans son refuge, son repaire pourrait-on dire, il ne pourra plus compter seulement que sur lui. Il devra interagir davantage avec le petit monde de l’archipel. Il devra surtout se poser des questions fondamentales : ai-je l’énergie qu’il faut pour reconstruire ma vie, quel héritage est-ce que je souhaite laisser à ma fille et, peut-être, à mes petits enfants ?
Même si le testament littéraire de Mankell se trouve probablement davantage dans Sable mouvant : Fragments de ma vie, paru aussi chez Seuil, on sent ici que l’auteur jette un regard sans complaisance sur la vie de Fredrik, sur sa vie. Il met dans ce suédois bougon, énormément d’humanité, un attachement puissant au nord et à la nature, un amour maladroit, mais profond pour sa fille dont il n’a appris l’existence que vers la fin de sa vie.
L’humanité, c’est sans doute ce qui caractérise le plus l’œuvre du grand Henning. Et, cette fois encore, ce qu’on nous offre, c’est du vrai Mankell, de la littérature. À savourer avec la nostalgie de ce grand romancier disparu.