Chez les spécialistes en transport, la taxation de la congestion automobile est la règle d’or en matière de politiques publiques pour gérer le trafic sur les autoroutes. Cette stratégie implique d’utiliser des péages pour faire payer le passage sur certaines routes, en plus de réclamer davantage à certains moments de la journée, par exemple lors des heures de pointe du matin et du soir. Cela soulève cependant un problème en matière d’équité. Une nouvelle étude propose une solution différente.
Fondamentalement, cette stratégie vise à décourager les conducteurs à utiliser leur propre véhicule, et à les rediriger vers d’autres modes de transport, et donc de réduire la congestion routière. Comment éviter, cependant, que ces mesures financières frappent les plus pauvres de façon disproportionnée?
Selon l’étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), si la taxation de la congestion était mise en place dans les six plus grandes zones urbaines de l’État américain, environ 13 % des foyers de ces endroits seraient touchés de façon disproportionnée en raison de leurs habitudes de déplacements et de leur bas revenu. Mais si des péages pourraient représenter un problème d’équité, l’étude laisse aussi entendre que les revenus générés par ces mêmes péages pourraient ultimement permettre de régler le problème en question.
« La congestion routière entraîne des coûts réels pour une vaste proportion de la population; certaines des conséquences les plus importantes affectent les personnes les plus vulnérables de façon tout à fait inéquitable », affirme Michael Manville, professeur adjoint à l’UCLA et coauteur de l’étude. « La taxation de la congestion a le potentiel de résoudre plusieurs de ces problèmes. Mais il est important de s’assurer que le tarif exigé ne vienne justement pas nuire de façon indue aux plus pauvres. Heureusement, avec un peu de volonté politique, nous devrions y parvenir. »
Dans leur étude, les auteurs définissent les résidents vulnérables comme étant ceux dont le revenu familial est sous la barre du double du seuil américain de pauvreté – par exemple, 55 000 $ US ou moins pour une famille de quatre –, et qu’au moins un membre de cette famille conduit sur une autoroute pendant les heures les plus achalandées. Les travaux ont principalement porté sur les régions de Los Angeles, San Francisco, de l’Inland Empire (dans le sud de l’État, dans les comtés de Riverside et San Bernardino, NDLR), de San José, de San Diego et de Sacramento.
Le transport collectif, pas une panacée
Toujours selon les auteurs, certaines solutions visant à réduire le fardeau sur les conducteurs plus pauvres seraient accompagnées de conséquences nuisant à l’objectif qui consiste à réduire la congestion routière. Par exemple, subventionner le transport collectif et offrir des cartes d’accès gratuites pour les moins bien nantis n’aiderait pas ceux qui doivent tout de même prendre la route.
Une autre option consisterait à réduire les frais de péage ou à les rendre gratuits pour les personnes à faible revenu, mais cela pourrait contrevenir à l’idée principale derrière la taxation de la congestion: si le coût de conduire n’est pas suffisamment élevé, les gens vont probablement continuer à utiliser leur véhicule.
La solution la plus prometteuse, juge les spécialistes, consisterait à offrir une aide financière directe aux résidents moins nantis, le tout directement à partir des revenus engrangés par les péages. « Des politiques similaires existent déjà pour les pauvres, pour leur permettre d’acquérir des biens et des services essentiels, notamment le programme de timbres alimentaires, ainsi que des bons pour le logement », indique de son côté Gregory Pierre, lui aussi coauteur de l’étude.
« Nous devrions bâtir sur ces modèles, plutôt que de réinventer la roue. »
Un autre avantage de leur proposition, poursuivent les auteurs, est que les résidents qui reçoivent de l’argent en vertu du programme pourraient utiliser ces fonds pour toutes sortes de choses, que ce soit pour payer les coûts de la taxation de la congestion, pour payer le transport collectif, ou encore pour emprunter un autre mode de transport.
L’étude suggère également que les gouvernements régionaux puissent identifier les personnes éligibles pour un tel programme en s’appuyant sur les ménages pouvant déjà se prémunir d’autres programmes d’aide financière.
Bien sûr, il y aura des obstacles administratifs et politiques à franchir pour mettre sur pied un programme d’aide financière pour couvrir les frais de taxation de la congestion, reconnaissent les auteurs. Selon eux, implanter ce programme sur une voie à la fois servirait à démontrer les avantages de cette stratégie, ce qui aiderait à combattre le scepticisme de la population.