Avec Lanfeust de Troy et ses nombreuses séries dérivées, comme Trolls de Troy ou Lanfeust des Étoiles, l’auteur Christophe Arleston a créé un véritable phénomène culturel, qui s’est étendu sur plus d’un quart de siècle, mais il se lance aujourd’hui dans un tout nouvel univers de fantasy, avec la bande dessinée La baroque épopée du monde qui ne voulait plus tourner.
Désigné pour devenir le prochain Empereur du royaume d’Omnamül, Altek n’a pas particulièrement envie de s’asseoir sur le trône. Épris de démocratie, ce dernier prévoit même que son premier geste lorsqu’il entrera en fonction sera d’abolir carrément le régime impérial pour instaurer une République. Il devra toutefois attendre pour réaliser son rêve, puisqu’un beau soir, pour une raison inconnue, le soleil met une éternité à se coucher, et refuse de se lever le lendemain matin. Tout indique que la lune sur laquelle se trouve le royaume a cessé d’orbiter, ce qui force le report de la cérémonie de couronnement. Afin d’obtenir la clémence des Dieux (qui d’autre peut bien être responsable d’un aussi curieux phénomène?), Altek se voit chargé de sillonner l’Empire afin d’organiser de grandes prières collectives. Malheureusement, il est accompagné dans sa quête par les deux fils de Lompyste, son oncle assoiffé de pouvoir. Sous prétexte d’assurer sa protection, ses cousins sont plutôt chargés de l’éliminer à la première occasion. Débute alors un périlleux périple pour le jeune héritier.
Ayant vendu plus de 15 millions d’albums à travers sa carrière, Christophe Arleston est haut la main l’auteur de fantasy le plus populaire de toute la francophonie. Avec La baroque épopée du monde qui ne voulait plus tourner, il délaisse la série qui l’a fait connaître pour en inaugurer une toute nouvelle. Prenant place au sein d’une société empêtrée dans ses propres traditions, et où les femmes sont reléguées au second plan, la dynamique du récit s’axe principalement autour d’un conflit de générations opposant le désir de changement des jeunes à la volonté des aînés de maintenir coûte que coûte le statu quo. Arleston reprend ici tous les éléments ayant fait le succès de Lanfeust de Troy, soit un mélange de grande aventure, de mystère, de magie et d’humour. Ses héros brisent régulièrement le quatrième mur et s’adressent directement au lecteur, ce qui donne lieu à des moments cocasses. Il incorpore également un couple de corbeaux bavards, qui commentent sans cesse l’action se déroulant sous nos yeux.
De prime abord, le style coloré des dessins de Dana Dimat peut paraître familial, mais l’artiste injecte un léger soupçon d’érotisme à ses planches, avec ses jeunes filles penchées pour mieux mettre en évidence leur postérieur (et leurs petites culottes), ainsi qu’une touche de violence graphique. On peut voir notamment les corbeaux arracher les yeux des cadavres. Dimat réussit le tour de force de faire cohabiter plusieurs influences visuelles dans un tout cohérent. Les visages des protagonistes sont proches du manga, et les costumes et les coiffures aussi exubérants que ceux d’un jeu de rôle japonais. Les décors affichent une esthétique à mi-chemin entre l’époque de la Renaissance française et la science-fiction. Sa fantasy est inventive, et se traduit par des baleines volantes, des dinosaures faisant office d’autobus, des libellules et des sauterelles géantes servant de monture, ou des champignons plus grands que des arbres. Peut-être est-ce parce qu’elle a été pressée par le temps pour terminer ce premier volume, mais la qualité des illustrations est inégale, et certaines cases ont visiblement eu droit à moins d’attention et de soin que d’autres.
Ce premier volume se contente d’introduire les principes régissant cet univers étrange ainsi que les forces en présence, mais inaugure tout de même les balbutiements d’une quête qui s’annonce épique. Il faudra cependant attendre la sortie du second tome pour savoir si La baroque épopée du monde qui ne voulait plus tourner sera à la hauteur de Lanfeust de Troy.
La baroque épopée du monde qui ne voulait plus tourner – volume 1, de Christophe Arleston et Dana Dimat. Publié aux éditions Drakoo, 80 pages.