Aussi élégant que maniéré, n’en déplaise aux limites de ce huis-clos se rapprochant du théâtre, le film The Outfit n’arrive pas à nous faire échapper à l’ennui, pendant que ses personnages, eux, cumulent les embûches.
Le rêve américain en prend pour son rhume dans ce film de deuxième chance, d’opportunités ratées et de corruption alors que des employés innocents d’une petite boutique se retrouvent mêlés aux déboires de la mafia du coin.
Avec une oeuvre fade et surtout particulièrement glaciale et ce, même sans tenir compte de la période hivernale durant laquelle se déroule l’histoire, on cherche tout du long la raison pourquoi un tel film, aussi anonyme soit-il, vient se présenter à l’écran et cherche à se tailler une place parmi tant d’autres propositions.
Il est compréhensible que Graham Moore a voulu voir grand, lui qui a rapporté un Oscar pour son premier scénario, soit pour le convenu The Imitation Game, mais il aurait dû s’en tenir au rôle pour lequel on l’a récompensé, au lieu de se lancer vers d’autres débouchés dont il n’était peut-être pas prêt à accepter la responsabilité.
Pourquoi s’autoriser l’originalité d’un scénario après une adaptation pleine de promesses, si ce n’est que pour s’offrir un amalgame de tant de choses qu’on a vu si souvent dans le passé, et même généralement en mieux? En plus d’en partager l’écriture avec une autre personne pas nécessairement plus expérimentée. Pourquoi vouloir réaliser, si on ne présente aucun angle singulier pour s’attaquer au projet?
Certes, il y a le prestige. De son nom, oui, mais aussi de l’équipe devant et derrière la caméra. William Goldenberg a été nommé aux Oscars pour sa participation au même The Imitation Game alors qu’il a remporté la statuette pour Argo deux ans auparavant, et ce, pendant qu’il était en compétition avec lui-même! Comme il s’agit d’un film d’époque, c’est le réputé Dick Pope, un fidèle de Mike Leigh et un habitué des films se déroulant dans le passé, qui s’est chargé des images.
Et les acteurs, bien que peu nombreux, savent donner du relief. Mark Rylance tient le rôle-titre, lui qui est allé chercher plusieurs des plus grands fous rires dans le controversé Don’t Look Up de Mckay, en plus de remporter contre toute attente l’Oscar du meilleur acteur de soutien dans le Bridge of Spies de Spielberg.
Zoey Deutch, toujours très charismatique, mais également capable du pire et du meilleur, se retrouve ici dans une version contenue de sa propre personne en préférant la retenue que ses exagérations vues par exemple dans Zombieland : Double Tap, ou même le surestimé Buffaloed. Et s’il apparaît ici et là un peu jeune pour le rôle, du haut de ses 30 ans qui en paraissent moins à l’écran, on salue quand même l’intérêt de Dylan O’Brien de multiplier les projets, passant des grosses productions aux films plus modestes, comme celui qui nous intéresse.
Sauf que leurs personnages, tout comme leur passé et leur soi-disant profondeur qu’on essaie de creuser, histoire de bien remplir chaque recoin du petit lieu qui nous sert de scène, sont de peu d’intérêt. On a beau ici et là prolonger le mystère et se permettre un certain jeu du chat et de la souris au niveau des révélations (qui font difficilement crier de surprise), mais rien pour garder vraiment sur le qui-vive, comme on préfère mousser le côté dramatique, plutôt que celui du suspense ou de l’action, comme savait le faire l’habile et souvent franchement audacieux Free Fire, par exemple.
En étirant la sauce plutôt que le plaisir, le film n’aspire même pas au rythme méditatif de The Batman de Matt Reeves, par exemple, alors qu’il semble lui-même régulièrement s’égarer et oublier sa destination en cours de route.
Pastiche de film noir? Bof. Dérivé des films de gangsters? Si l’on se sent généreux dans le descriptif. Puisqu’au final, on en sort avec un manque inquiétant d’impressions. Il a beau y avoir les mélodies polies du prolifique Alexandre Desplat, c’est toutefois encore trop peu pour nous garder intéressés.
5/10
The Outfit prend l’affiche en salle ce vendredi 18 mars.