Il y a le nom, d’abord. Genderf*cker, un titre de spectacle qui frappe, pour l’artiste Pascale Drevillon. Mais un titre, aussi, qui possède son propre double sens. Et tout cela s’inscrit dans la démarche artistique de cet événement présenté en webdiffusion. Rencontre.
Le nom, donc. « L’astérisque avait déjà une autre fonction, dans le cadre de cette performance-là », mentionne Mme Drevillon au bout du fil. « Au départ, le spectacle durait vraiment dans le temps, deux, trois heures, puis l’astérisque servait à dire qu’il manquait le « u » (you, en anglais, NDLR), et que le regard du public était vraiment central. Tout cela s’est vraiment transformé avec la version virtuelle, évidemment. »
L’oeuvre, comme son nom peut le laisser entendre, cherche à ébranler les colonnes du temple en matière de normes et comportements genrés. Si Mme Drevillon est elle-même une personne trans, elle dit espérer que son spectacle contienne « aussi peu de son parcours que possible ». « Bien que je me serve beaucoup de mon corps et de vidéos d’archives familiales pour raconter une histoire, en fait, c’est beaucoup plus par rapport au poids des normes, donc à quel point ce combat que je décris comme étant avec douceur est mené au quotidien pour que les hommes et les femmes correspondent aux modèles hérités et qui datent de milliers d’années, aujourd’hui. »
Toujours selon l’artiste, il s’agit donc de « brouiller les cartes par plaisir, mais aussi par besoin, parce que ce brouillage de cartes existe, dans la réalité. Cette espèce de chaos, de transformation d’un genre à un autre, ce n’est pas seulement la question des personnes trans, mais je pense que tout le monde vit cela, dans une certaine mesure ».
Genderf*cker, présenté au Festival TransAmériques en 2019, puis brièvement en 2020, avant la multiplication des fermetures engendrées par la pandémie, est donc maintenant adapté en version vidéo. Et pour l’occasion, l’oeuvre a été transformée; peut-être même pour le plaisir de Pascale Drevillon, en fait.
« Pour moi qui est une immense passionnée de cinéma depuis toujours, et qui prévois devenir réalisatrice plus sérieusement, je pense que c’était une opportunité idéale pour que je trempe mes orteils dans l’eau de la réalisation. Et il se trouve que les captations que nous avons filmées, je ne savais pas ce que j’allais en faire, mais il était très important pour moi qu’il y ait deux caméras dans trois spectacles différents… J’avais environ 12 heures de footage à monter, ce qui était un super beau problème, en soi, parce que j’ai pu aller chercher les meilleurs moments », mentionne cette dernière.
Et pour l’artiste, il s’agit donc de « changer le langage » pour le public, en passant du spectateur présent dans la salle à un contexte où ce même spectateur est maintenant chez lui, devant un écran. « J’ai complètement changé le langage, et j’ai choisi beaucoup de mouvements de caméra qui ressemblent à ce que verrait un spectateur, ou même, parfois, de façon encore plus intime. On passe d’un regard très large à des caméras très inquisitrices, qui voient les textures de peau, qui voient les changements, les transformations dans le maquillage… Et en même temps, très franchement, changer de langage me force à raccourcir, parce qu’on n’a pas la même patience quand on vit un événement avec un ou une artiste, ou quand on est assis chez soi devant un écran. »
Genderf*cker, de Pascale Drevillon, dans une mise en scène de Geoffrey Gaquère; présenté en webdiffusion par l’Espace libre jusqu’au 30 juin.
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