Oui, il y a des fleurs sur le continent glacé qui règne sur le Pôle Sud. Elles ne sont pas nombreuses. Mais depuis quelques années, elles connaissent une croissance accélérée.
Seulement deux espèces de plantes à fleurs sont qualifiées « d’indigènes » à ce continent. L’une est la canche antarctique (Deschampsia antarctica) qui détient le record de la plante à avoir poussé le plus loin au sud —un spécimen a été observé en 1981 au 68e degré de latitude sud. L’autre est la sagine antarctique (Colobanthus quitensis), visible de loin dans ces régions, avec ses petites fleurs jaunes. Toutes deux poussent dans la péninsule antarctique (et sur des îles proches), cette langue de roc qui n’est pas entièrement recouverte de glace et qui s’étend vers le nord.
Or, elles ont non seulement vu leur croissance s’accélérer entre 2009 et 2018 — autrement dit, elles poussent plus vite — mais en plus, les secteurs où elles poussent sont désormais plus « densément peuplés » par ces petites plantes de moins de 10 centimètres de haut.
Les chercheurs qui ont publié le fruit de leurs observations le 14 février dans la revue Current Biology, y voient un impact mesurable du réchauffement climatique. C’est une observation d’autant plus importante, soulignent-ils, que l’impact du réchauffement sur les banquises de l’Antarctique est difficile à mesurer avec précision, une partie de la fonte s’effectuant sous la surface.
Leurs observations ont porté sur l’île Signy, située au nord de l’extrémité nord de la péninsule antarctique, parce que cette île a fait l’objet d’observations scientifiques en continu depuis les années 1960.
Ainsi, au cours de la décennie 2009-2018, la croissance de la canche antarctique aurait été aussi importante que pendant l’ensemble des 50 années d’observations (1960-2018). Et la croissance de la sagine aurait été cinq fois plus importante pendant cette seule décennie.
Il n’est pas impossible que cette hausse des températures favorise par ailleurs l’arrivée d’autres plantes, dont le pollen aurait été transporté par des touristes. Il n’y a pas si longtemps, on aurait estimé que le risque que des espèces invasives s’implantent sur un continent aussi inhospitalier était pratiquement nul, mais le fait qu’il soit maintenant possible d’observer un changement à l’oeil nu en seulement 10 ans, rebrasse les cartes.