On ne sort pas indemne du visionnement de L’événement, récipiendaire du Lion d’or à la Mostra de Venise. Cette écoute essentielle d’un sujet pourtant connu ne fait pas dans la demi-mesure et s’avère nécessaire pour faire comprendre à la fois le chemin parcouru, celui qui reste à faire, mais également pourquoi ce dernier, autant pour la parité que le droit des femmes dans le sens plus large, est aussi important.
Oubliez les incongruités de son film précédent, l’haletant, mais trop souvent ridicule Mais vous êtes fous. Ici, Audrey Diwan se commet entièrement à son œuvre et à son sujet pour les livrer sans concessions, des choix poussés, mais pleinement assumés inclus.
Il y a dans les choix artistiques, du cadrage claustrophobique en 4:3 jusqu’aux éléments qu’on décide de suggérer et ceux qu’on préfère montrer, énormément de matériel pour causer débat, mais certainement rien pour détacher le regard de l’objectif premier, soit de montrer le combat des femmes via une seule adolescente à la croisée des chemins, lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte alors que la réussite de ses études demeure pour elle sa seule option possible.
Adapté du roman du même nom de Annie Ernaux qui était lui-même autobiographique, L’événement a la particularité de faire vivre le désir d’avortement entièrement du point de vue de sa protagoniste et du calvaire (souvent solitaire) qui l’entoure, qui l’étouffe.
À une époque où une telle option était interdite, voire illégale, on suit l’évolution de sa torture, tout comme de sa course contre la montre avec impuissance dans une observation aux limites voyeurisme comme il est impossible de véritablement vivre avec elle cet enfer. Habité avec force par Anamaria Vartolomei, on a le regard braqué sur son personnage aussi déterminé qu’entêté.
Bien sûr, pour beaucoup le sujet, tout comme la thématique, ne demeure pas nouveau, surtout qu’ils font résurgence au cinéma depuis quelques années sous tous les angles possibles, dans des œuvres comme Little Woods ou Never Rarely Sometimes Always. Et si l’œuvre n’atteint pas l’expertise de Vera Drake ou le brio de la Palme d’or roumaine 4 mois, 3 semaines, 2 jours, elle demeure quand même d’une énorme efficacité.
Outre peut-être sa co-scénariste Marcia Romano, Audrey Diwan a complètement revampé son équipe technique. Laurent Tangy, un habitué de films d’action aux images, Géraldine Mangenot, une touche-à-tout au montage et l’apport considérable des compositeurs Evgueni et Sacha Galperine qui ont travaillé autant pour la minisérie The Undoing sur les ondes de HBO, Radioactive de Marjane Satrapi, La famille Bélier, ou encore sur Grâce à Dieu de François Ozon.
Il faut toutefois être averti que L’événement ne présente pas une écoute agréable. Son inconfort est aussi véritable que volontaire. Le film s’assure à la fois d’être une vérité qui dérange et un long-métrage qu’on veut certainement dérangeant. Se déroulant à une époque pas si lointaine que ça, rajoutant au malaise de la barbarie qui se découle d’une telle réalité, le film apparaît encore comme terriblement actuel, ce qui a tout pour inquiéter encore un peu plus.
6/10
L’événement prend l’affiche en salles ce vendredi 18 février.