Près de 40 % des jeunes faisant partie d’un groupe de 6000 participants, répartis dans 11 pays, ont envoyé des messages à caractère érotique – ou sextage –, selon une nouvelle étude de l’Université Sapienza, à Rome, et de l’Université de Huddersfield. Selon les chercheurs, les aspects négatifs de ce phénomène doivent être mieux communiqués.
La même étude révèle toutefois que malgré les possibles côtés désagréables de cette pratique, cette méthode de communication peut également être conçue comme une évolution de la façon dont les gens explorent leur sexualité.
Au dire des auteurs des travaux, les parents ont un rôle important à jouer dans ce dossier, et plutôt que de tenter d’empêcher leurs enfants de sexter, ils devraient avoir des discussions franches à ce sujet, et à propos des conséquences possibles.
« Nos conclusions, à partir de notre échantillon de 6093 participants, suggèrent qu’il est important de mettre en place des programmes de prévention dans les écoles secondaires », affirme la Dre Mara Morelli, du département de psychologie clinique et dynamique et d’études sur la santé de l’Université Sapienza.
« Ces programmes devraient aider les adolescents à comprendre qu’ils ne peuvent pas contrôler ce qui se passe avec les images partagées avec d’autres personnes, même s’ils pensent qu’ils le peuvent. Les programmes de prévention devraient accroître la littératie numérique des adolescents et des adultes. »
Reconnaître les risques
« Les parents devraient comprendre qu’ils doivent trouver un équilibre entre le soutien et la surveillance, lorsque cela concerne leurs enfants. Empêcher les jeunes d’utiliser des téléphones intelligents ou d’autres appareils ne les protège pas vraiment contre le fait de commettre des gestes risqués en ligne. Les jeunes doivent être éduqués à propos de l’utilisation des médias sociaux, pour qu’ils reconnaissent les risques et les conséquences de leurs actions, et de tirer parti des perspectives d’autres personnes, histoire d’être davantage au fait de ce que d’autres personnes pensent et ressentent en réaction à ce qu’ils font. »
Certaines des motivations derrière le sextage sont sans danger, comme le fait de flirter, ou de chercher à obtenir des compliments pour obtenir ce qui est appelé « sentiments de validation du corps ». Mais une troisième raison, soit le partage de contenu sans consentement, dans l’intention de nuire ou de provoquer de la détresse, est largement répandue et était l’une des justifications pour effectuer les travaux de recherche.
Une nouvelle façon d’exprimer la sexualité
« Le sextage est en voie de devenir « normal », mais les jeunes ne sont peut-être pas au fait qu’il s’agit d’un comportement à risque », poursuit la Dre Morelli.
« Il s’agit d’une nouvelle expression de la sexualité et de la construction de l’identité, mais il y a également un aspect plus négatif des comportements liés au sextage qui surviennent lorsque des jeunes l’utilisent avec des intentions délétères envers quelqu’un d’autre, ou en échange d’un bénéfice ou un autre, comme de l’argent. »
« Ce genre de sextage est habituellement lié à d’autres comportements agressifs et violents, comme le harcèlement, le cyberharcèlement, et la violence lors des rencontres romantiques. Les jeunes partagent parfois des messages érotiques pour obtenir une régulation émotionnelle, histoire de compenser des émotions négatives qu’ils ressentent, ou lorsqu’ils sont sous l’influence de substances, ou lorsqu’ils discutent avec des étrangers rencontrés en ligne. »
L’étude a été menée dans 11 pays; les chercheurs qui ont collaboré dans le cadre des travaux ont déjà travaillé sur des sujets connexes, comme la violence lors des rendez-vous galants, en lien avec les plateformes de rencontre, ou encore les cas de « sextorsion ».
En discuter, la solution
Les résultats de l’étude soulignent le besoin, pour les parents, d’envisager de discuter des enjeux entourant le sextage avec leurs enfants, plutôt que de s’en remettre à la réaction plus naturelle consistant à se montrer choqués, et à tenter de faire cesser les activités de leurs jeunes.
« L’une de nos études démontre qu’un niveau élevé de communication parents-enfants en général, et non pas spécifiquement à propos du sextage, est un facteur de protection important pour le comportement des adolescents en matière de sextage », poursuit la Dre Morelli.
« Les adolescents qui discutent avec leurs parents à propos de leurs pensées et de leurs émotions sont davantage en mesure de comprendre et d’exprimer leurs émotions. »
« Ils sont également plus en mesure de développer des capacités de gestion adaptative des problèmes, qui peuvent les mener à mieux comprendre et reconnaître les conséquences de leurs actions, et être ensuite moins impulsifs. Malheureusement, les parents pensent habituellement que le fait de parler du sextage avec leurs enfants pourrait les mener à être davantage impliqués dans ces actions. Le fait de ne pas parler de sexualité et de sextage fait croire aux parents qu’ils protègent leurs enfants, mais c’est l’inverse qui est vrai. En parlant avec leurs enfants, ils ont l’opportunité de discuter des aspects positifs et négatifs du sextage, ce qui fait en sorte que leurs enfants sont davantage au fait de leurs comportements et de leurs émotions. »