Payer davantage, en raison des distances parcourues, pour faire livrer des marchandises. Ou encore imposer des péages pour les nouvelles infrastructures routières; le gouvernement du Québec poursuit ses démarches dans le cadre de sa politique de mobilité durable pour l’horizon 2030, et certaines idées avancées pour remplacer la taxe sur le carburant pourraient entraîner d’importantes transformations dans la façon de penser les déplacements et les infrastructures dans la province.
Le document synthèse publié cette semaine, par le ministère des Transports, découle du chantier sur le financement de la mobilité durable, dont les travaux avaient débuté en 2019. « L’objectif du Chantier sur le financement de la mobilité est de proposer des pistes de financement afin de répondre à la diminution prévisible des revenus issus de la taxe sur les carburants en raison de l’électrification des transports », y lit-on.
Quelque 18 arrêts d’une tournée régionale ont été effectués entre le 4 septembre et le 28 octobre 2019 – il y a bien sûr fort à parier que l’avancement des travaux a par la suite été retardé par l’éclatement de la pandémie de COVID19.
On y évoque notamment les affirmations de « plusieurs organismes », selon qui il est « important que les investissements planifiés en transport collectif et actif soient au moins à égalité avec les investissements planifiés sur le réseau routier », en plus d’indiquer que les outils de financement actuels devraient être indexés, particulièrement la contribution au transport en c0ommun et la taxe sur les carburants, afin de palier aux besoins les plus pressants.
Pourquoi envisager un changement dans les sources de revenus découlant de la taxe sur les carburants? Comme le mentionne le ministère dans son rapport, les investissements du réseau routier proviennent notamment du Fonds des réseaux de transport terrestre, un fonds qui s’appuie sur les revenus tirés des droits et permis et de la taxe sur les carburants, le tout pour environ la moitié des sommes qui entrent dans ses coffres. En 2020-2021, cela correspondait à 1,1 milliard de dollars pour les droits et permis, 1,9 milliard en taxe sur les carburants, et 2,6 milliards provenant « d’autres sources ».
Or, comme l’indique le gouvernement, les dépenses de ce fonds sont plus importantes que ses revenus, et le déficit va en augmentant, « en raison de la réduction anticipée de son principal apport, à savoir les revenus de la taxe sur les carburants ». En « verdissant », le parc automobile québécois consommera effectivement moins d’essence. Et qui dit moins d’achat d’essence, dit moins de taxes provenant de la vente de cette essence.
Au cours de la dernière année, le déficit s’établissait ainsi à environ 20 millions. Mais ce nombre, encore une fois possiblement affecté par la pandémie, n’est en rien comparable aux importantes dépenses des années précédentes. Ainsi, de 2017-2018 à 2019-2020, le manque à gagner est passé de 756 à 491 millions de dollars. L’entretien du réseau routier, avec des débours approchant lentement les 3 milliards par année, représente la part du lion de ces dépenses, suivi de très près des sommes consacrées aux transports collectifs.
En fait, pour la plus récente année, ce sont ces « autres revenus », avec un bon de presque deux milliards de dollars comparativement à l’année précédente, qui a permis à Québec de quasiment équilibrer les finances du fonds. Les détails de cette catégorie ne sont toutefois pas offerts dans le document synthèse.
Le déséquilibre ne peut que s’accroître, en raison de la multiplication des véhicules électriques sur les routes, le développement anticipé des transports collectifs, et l’interdiction, à partir de 2035, de la vente de véhicules à essence partout au Québec (et sans doute dans l’ensemble du Canada).
Trouver d’autres revenus
Voilà pourquoi le gouvernement Legault a entamé cette tournée provinciale. Il ne faut pas non plus négliger les investissements effectués par les municipalités en matière de transport, soit l’équivalent de 8 milliards de dollars, des sommes qui dépendent de Québec, mais aussi de l’impôt foncier. Ce même impôt foncier alimente l’étalement urbain et la gentrification, ce qui entraîne la construction de nouvelles routes, avec des coûts qui leur sont associés, et une pression supplémentaire sur les réseaux de transport collectif.
Parmi les 14 options retenues pour ainsi transformer la taxe sur le carburant et lui substituer d’autres méthodes de financement, sur un total de 39 propositions, le gouvernement propose ainsi d’instaurer une contribution kilométrique, soit une facturation selon la distance parcourue, « notamment pour les véhicules lourds associés au transport des marchandises »
Québec pense aussi examiner la possibilité d’une taxe liée à la recharge des voitures électriques à l’aide de bornes du réseau public, le tout en collaboration avec Hydro-Québec.
Par ailleurs, le gouvernement pourrait imposer des péages lors de la construction de nouvelles infrastructures routières de grande envergure « réalisés en partenariat avec le secteur privé », à l’instar du pont de l’autoroute 25.
Dans une autre perspective, les « projets structurants », comme ce qui touche le transport collectif, pourraient eux aussi être visés par une contribution à un fonds, en fonction du « rendement attendu », en fonction d’une « appréciation du potentiel immobilier », c’est-à-dire la hausse de la valeur foncière liée à d’éventuels développements immobiliers et commerciaux en bordure de ces nouveaux projets, comme la construction de condos autour d’une nouvelle gare de train.
Le document synthèse évoque aussi l’augmentation du coût du permis de conduire, comme celui de l’immatriculation de véhicules, toujours dans l’idée de remplacer, « à coût nul », la taxe sur le carburant.
En ce qui concerne le financement du transport collectif, un aspect des dépenses qui ira en grandissant, à mesure que des projets seront mis de l’avant, le ministère des Transports propose notamment la mise en place d’un système de redevance pour l’achat d’un véhicule neuf, avec une exemption pour les véhicules électriques. Et une fois que ceux-ci seront offerts en vertu de suffisamment de modèles « pour répondre aux besoins de chacun », écrit-on dans le rapport, une redevance-remise serait instaurée, en fonction « de la valeur du véhicule et de ses émissions ».
Pour la suite des démarches, le gouvernement devra analyser le document synthèse produit par le ministère, un processus qui s’échelonnera jusqu’en 2023.