Une lutte économique si intense entre la Chine et les États-Unis qu’elle provoque un « découplement » des activités commerciales mondiales; une cyberguerre entre États qui entraîne des retombées économiques et politiques majeures; ou encore, l’éclatement d’un conflit militaire entre Pékin et Taipei qui force l’intervention de Washington… L’Economist Intelligence Unit vient de dévoiler les 10 scénarios qui pourraient avoir l’impact le plus marqué sur les marchés, l’an prochain. Et les perspectives ne sont pas spécialement encourageantes.
Répartis en quatre grandes catégories – économie, politique, défense et environnement –, ces risques évalués par l’agence rattachée au magazine The Economist tracent un portrait probable, mais pas nécessairement inévitable, des turbulences que pourraient traverser nos sociétés l’an prochain, dans la foulée d’une pandémie qui perdure, et qui a maintenant fait plus de cinq millions de morts.
Parmi les options non seulement les plus à risque de se réaliser, mais dont l’impact serait excessivement élevé, le rapport évoque une « dégradation des relations sino-américaines qui forcerait un découplage complet de l’économie mondiale ». Dans la foulée de son prédécesseur, mais en utilisant la méthode de la persuasion auprès des alliés occidentaux et d’ailleurs, plutôt que la manière forte, le président américain Joe Biden tente de créer une sphère d’influence politico-économique pour limiter les ambitions chinoises.
Ce faisant, « dans une perspective extrême », les pays tiers pourraient être forcés de choisir un camp, entre Pékin et Washington, provoquant du même coup une scission qui forcerait les entreprises à utiliser deux chaînes d’approvisionnement concurrentes. « La mise en place de la connectivité 5G pourrait être retardée dans certains pays, et les sanctions imposées par la Chine pourraient accroître l’incertitude entourant les échanges et investissements mondiaux », écrivent les experts.
Autre scénario, la montée de l’inflation aux États-Unis, dans la foulée de la reprise économique au sortir des troisième et quatrième vagues, pourrait se combiner à la multiplication des problèmes touchant les chaînes d’approvisionnement, déjà passablement exsangues, et pousser du même coup la Réserve fédérale américaine à resserrer graduellement sa politique monétaire. Du même coup, les marchés boursiers pourraient se réajuster en vitesse, ce qui, à son tour, pèserait lourd sur les épaules des consommateurs. En réduisant leurs dépenses, ces derniers pourraient sérieusement grever la reprise économique au pays de l’Oncle Sam, soulevant un risque de récession.
COVID, révolte et guerre
Parmi les scénarios non économiques, les experts de l’Intelligence Unit évoquent l’apparition d’un autre variant de la COVID-19, qui serait non seulement plus contagieux que le variant Delta, responsable de la quatrième vague de contamination, mais qui résisterait aussi aux vaccins développés par Pfizer, Moderna et autres.
Cela entraînerait de nouveaux confinements, de nouvelles restrictions, et donc de nouvelles injections financières par les gouvernements pour soutenir leurs populations, tout en provoquant une chute marquée de l’activité économique, risquant même de tuer nette la reprise.
Autre risque majeur, certaines populations, déjà dirigées par des gouvernements autoritaires et soumises à des conditions de vie difficiles, notamment dans des pays où les systèmes démocratiques ont récemment été mis à terre par l’appareil militaire, comme au Soudan ou au Myanmar, pourraient décider que les restrictions imposées au nom de la pandémie sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase, et déclencher des révoltes un peu partout dans le monde.
« Des régions comme l’Amérique Latine, le Moyen-Orient et l’Afrique sont particulièrement à risque », expliquent les experts. Devant cette incertitude, lit-on encore dans le rapport, les investisseurs pourraient décider de passer leur chemin.
Idem pour les dangers de famine, qui sont alimentés par les impacts de la crise climatique. Une population qui a faim n’est pas une population heureuse et fonctionnelle, et les citoyens n’iront pas travailler, assurant ainsi la stabilité des gouvernements et de leur économie, s’ils ne peuvent se nourrir, ni nourrir leur famille.
Si les conditions climatiques se détériorent suffisamment, c’est la famine qui guette une bonne partie de la planète, notamment en raison de sécheresses majeures, que ce soit dans le sud de l’Europe, sur le pourtour de la Méditerranée, dans le Sud-Ouest américain, ou encore dans le sud de l’Afrique, toutes des régions qui produisent de grandes quantités de céréales et autres aliments essentiels. Déjà, en fait, diverses catastrophes climatiques, notamment de très mauvaises conditions dans les Prairies, au Canada, ont fait grimper le prix des aliments, que ce soit des aliments de base, encore une fois, ou le prix de la viande, dont la production nécessite de grandes quantités de céréales et autres cultures similaires.
Enfin, les experts de l’Intelligence Unit envisagent une intervention militaire de Pékin – où le président Xi Jinping a souvent évoqué le « rattachement » de la « province rebelle » de Taïwan – contre Taipei. Si le rapport met de côté une invasion claire et nette, la multiplication des incursions aériennes chinoises près de Taïwan pourrait mener à une certaine confusion, puis à une escalade. Si tel était le cas, « l’économie de Taïwan pourrait être détruite par un conflit, notamment son industrie des semiconducteurs, sur laquelle s’appuient les chaînes d’approvisionnement mondiales ».
Washington pourrait aussi être amenée à intervenir, tout comme l’Australie et le Japon, ce qui risquerait de déclencher un conflit mondial, avec des conséquences économiques catastrophiques.