Une montagne de tissus au centre de la scène, un gros tas de feuilles mortes, un pied humain qui sort du sol aligné avec une serpe et d’autres couteaux, une machine à barbe à papa, une grosse corde enroulée sur elle-même, deux cintres où sont suspendus des masques de visages et d’énormes perruques, une poupée de chiffon géante aux bras démesurés, une guitare, un trapèze de cirque et bien d’autres objets puis d’individus insolites… Le spectacle M. Gros, signé Geneviève et Matthieu et proposé à La Chapelle, est un mélange d’installation et de performance sonore et visuelle totalement déjanté, extrêmement drôle et pourtant très mélancolique.
Au cœur de la montagne de tissus noirs et blancs agrémentés de peintures, deux petites mains jusqu’alors invisibles, tentent d’émerger. La couturière et sa machine Singer sont quasiment avalées par l’ouvrage démesuré auquel elles s’adonnent. C’est toute la construction en tissus qui se meut doucement et semble respirer. Les objets sont animés. Des êtres de tissus s’en échappent. Le son de la machine à coudre s’emballe. L’ouvrage gigantesque accouche de la couturière qui dans une sorte de cri primal émet, agrémenté d’une danse un peu folle, un chant pour le moins délirant.
Difficile de dire ce qui m’a fait rire dans ce spectacle à peu près muet, où les surprises ne cessent du début à la fin. Le comique est tragique, grotesque, mais efficace. En sous-texte d’un spectacle dont on ne saisit pas vraiment le texte, on perçoit une vague critique de l’art contemporain et en particulier de son art de la performance qui se prend parfois très au sérieux et qui laisse trop souvent le spectateur interloqué et sceptique.
Ici au moins, on sent la moquerie, l’exagération et même la démesure. La couturière du début qui en est le personnage principal est vraiment réussie. Elle se bourre de barbe à papa bleue comme sa robe trop serrée et recherche l’amour qu’elle ne parvient pas à trouver. Elle est mélancolique et dépressive. Elle a hâte que le spectacle cesse et ne sourit toujours pas quand finalement c’est le cas.
Il fallait oser créer un tel personnage dans un tel environnement et parier sur leur effet comique. M. Gros constitue une heure d’étonnement et de petits rires étonnés. Un spectacle d’art contemporain, plutôt rafraichissant finalement, qui prend le contre-pied de certains autres de la même catégorie.
M. Gros, du 12 au 15 octobre 2021 au théâtre La Chapelle.