La fin de l’étalement urbain et la construction en apparence éternelle de nouvelles banlieues composées de maisons unifamiliales, qui sont ensuite reliées par des routes et autoroutes aux grands centres: voilà notamment ce que réclame l’organisme Vivre en ville, à mi-chemin des élections provinciales québécoises, et au moment où Québec planche sur sa Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires.
Dans un mémoire rendu public la semaine dernière, Vivre en ville fait ainsi campagne pour « sortir de l’ère de l’étalement pour entrer dans celle de la consolidation », ce qui impliquerait que Québec « assume un leadership en matière d’aménagement du territoire », et que les décisions gouvernementales et municipales soient soumises à un « test territoire », afin de déterminer si un plan d’urbanisme, par exemple, permet d’éviter la destruction de terres cultivables, ou encore la disparition de milieux humides.
« Le rythme auquel les régions urbaines du Québec consomment le territoire compromet la santé des écosystèmes, des collectivités, des finances publiques et des populations », lit-on ainsi dans le mémoire intitulé Désormais.
« Les pratiques actuelles ne permettront pas de répondre au principal défi à venir: la crise climatique. »
Car c’est bien cette catastrophe environnementale qui plane au-dessus de la réflexion de Vivre en ville: la multiplication des vagues de chaleur, la disparition d’espèces animales, végétales et d’insectes pourtant essentielles à l’agriculture et la production de nourriture pour les humains, par exemple, ou encore les cas extrêmes, où des maisons, voire des quartiers entiers peuvent être lourdement endommagés ou détruits par des tornades ou des inondations, deux phénomènes qui sont appelés à se multiplier avec les changements climatiques.
Le mémoire de l’organisme est vaste: pas moins de 72 recommandations y sont énumérées, dont 15 qui sont jugées « prioritaires ». Parmi celles-ci, on retrouve un appel à ce que « 90% de la croissance démographique se matérialise sous forme de consolidation, dont la majeure partie devra se faire dans les corridors desservis par les réseaux structurants de transport collectif ». Cela signifierait donc, en somme, l’arrêt du développement résidentiel sur de nouvelles, en se concentrant sur la densification des terrains déjà utilisés, y compris autour des circuits d’autobus et des lignes de métro.
Pour accompagner cette recommandation, Vivre en ville propose aussi de « cesser l’augmentation de la capacité routière aux fins de navettage », soit l’arrêt de la construction de nouvelles routes et autoroutes pour justement desservir ces nouveaux développements immobiliers, routes qui finissent souvent par être embouteillées en raison du trop grand nombre de personnes qui s’installent dans ces nouveaux quartiers, et de l’absence d’options valides pour le transport collectif.
L’organisme suggère par ailleurs que Québec mette sur pied un fonds doté d’un montant de 100 millions de dollars par an afin de « soutenir l’aménagement d’écoquartiers sur les friches urbaines, la consolidation des cœurs villageois et la requalification des strips commerciales ».
Ces recommandations sont présentées dans un contexte où, d’ici 2030, le Québec doit accueillir 400 000 nouveaux ménages, dont 80% seront concentrés dans les grands centres urbains. Sans normes et balises, cela pourrait justement mener à du développement immobilier non contrôlé et la destruction d’espaces verts.
La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, actuellement en vigueur au Québec, n’a pas fait l’objet de refonte majeure depuis son adoption, en 1979, et la majorité des orientations gouvernementales à ce sujet remontent à 1994, rappelle le gouvernement. Celui-ci doit publier sa nouvelle stratégie au printemps de l’an prochain.
Quant aux électeurs, ils seront conviés aux urnes le 7 novembre pour élire leurs représentants municipaux, qui ont généralement beaucoup de pouvoir lorsque vient le temps de développer le territoire.