Le transport par rail est partie intégrante des plans de l’Europe pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, mais les trains bruyants représentent un obstacle de taille qui doit être surmonté.
« Nous avons beaucoup de résistance de la part des gens qui vivent près des rails, et qui sont opposés à toute sorte de construction et d’améliorations apportées aux lignes », affirme Rudiger Garburg, consultant en matière de technologie liée aux bruits et aux vibrations pour la compagnie ferroviaire allemande Deutsche Bahn. « Il s’agit vraiment d’un goulot d’étranglement, lorsque nous parlons de transformer le transport transférer le trafic des routes vers les rails. »
Les émissions de gaz à effet de serre des transports, en Europe, ont augmenté en 2018 et 2019, selon l’agence environnementale européenne, et le transport sur route est responsable de près des trois quarts de ces émissions. Dans sa Stratégie pour une mobilité intelligente et durable, la Commission européenne vise à transférer le trafic routier vers les trains et doubler le volume de passagers sur des lignes ferroviaires à haute vitesse à travers l’Europe d’ici 2030; pour le fret, l’objectif est 2050.
Pour obtenir l’aval des communautés, toutefois, les gouvernements et les compagnies ferroviaires doivent réduire le bruit des trains. « Le bruit fait toujours partie du problème pour l’ensemble du système, pas seulement pour les trains », affirme M. Garburg. Ce système comprend les trains, leurs roues, les rails, ainsi que les traverses et les autres équipements qui les soutiennent.
Pour les trains de passagers et de fret, qui se déplacent à une vitesse variant entre 60 et 200 km/h, le bruit est principalement produit par les roues et les rails. Cependant, il est très difficile de déterminer l’origine exacte de ces bruits.
Le projet FINE 1, qui a impliqué des partenaires des secteurs du rail, de la mobilité et de l’automatisation, visait à réduire le bruit et l’énergie dégagés par les trains. Ledit projet a cherché à modéliser et prédire les sources de bruit, entre autres objectifs. Ces informations sont jugées vitales par les autorités réglementaires et par les fabricants de trains.
Le projet, par exemple, a été en mesure de simuler le bruit à l’intérieur et l’extérieur d’un train produit par des roues en fonte, comparativement à des roues en alliage. « Par le passé, des trains utilisaient un système de freinage en fonte pour les roues », explique M. Garburg. Si cela est efficace pour freiner, le fer se désagrégeait avec le temps, ce qui rendait les roues raboteuses et bruyantes. « Dans le passé, nous avons travailler très fort pour trouver davantage de freins en composite, et pas en fonte. »
Limite
En 2019, l’Europe a commencé à appliquer une version révisée des normes en matière de bruits produits par les trains, dans le cadre d’une gamme plus vaste de spécifications ferroviaires. Contrairement aux voitures, où les fabricants produisent des milliers de véhicules, les fabricants de trains ne produisent qu’un nombre limité d’unités. « Vous ne pouvez pas construire un prototype, le tester et l’améliorer », explique M. Garburg. « Si vous construisez un nouveau train, vous devez garantir que celui-ci respecte les limites en matière de bruit, à l’instar des normes en matière de pollution de l’air, etc. »
Après la mise au point, dans le cadre de FINE 1, d’exigences qualifiées de réalistes et vérifiables pour caractériser les sources de bruit, FINE 2, le projet suivant, prévoit de faire progresser davantage ces travaux de recherche et ainsi peaufiner les modèles de prédiction.
« Pour FINE 2, nous avons des procédures de mesure spéciales », mentionne M. Garburg. L’équipe utilise une caméra acoustique, de 40 à 40 micros, le tout pour capter les sons du système ferroviaire. Pour le chercheur, c’est l’équivalent d’emprunter une caméra thermique, qui permet de mesurer la chaleur dégagée par un endroit ou une personne.
De meilleurs modèles théoriques pourraient aussi permettre aux fabricants d’obtenir une certification virtuelle pour leurs trains, et ainsi démontrer qu’ils respectent les normes de l’Union européenne. Si tous les trains doivent obtenir une telle certification avant de pouvoir circuler sur les rails, le processus est long et coûteux.
Autres sources
En plus des rails et autres composantes physiques de base des trains, d’autres facteurs peuvent venir jouer sur le niveau de bruit produit par ces machines, explique la professeure Ines Lopez Arteaga, de l’Université des Technologies d’Eidhoven, aux Pays-Bas.
Par exemple, les trains plus vieux ont des unités de climatisation sous les wagons, mais les trains modernes ont été abaissés pour permettre aux passagers à mobilité réduite de monter à bord, ce qui a forcé l’installation de ces climatiseurs sur le dessus des wagons, entraînant du même coup une hausse du niveau de décibels.
« Les modèles sur lesquels nous travaillons, avec l’aide des fabricants, visent à concevoir de meilleures normes pour leur équipement », précise-t-elle.
Mme Lopez Arteaga dit par ailleurs être particulièrement enthousiaste à propos de la modélisation du bruit produit par les trains à haute vitesse. « Les fabricants veulent que nous identifiions le bruit, mais aussi la direction dont il provient. C’est un défi très important. »
Une fois que l’équipe de recherche aura ses résultats en main, ceux-ci seront partagés avec les autres membres du projet FINE 2, et seront ultimement intégrés aux normes des constructeurs ferroviaires.
Toutes ces petites étapes, indique encore Mme Lopez Arteaga, permettent de caractériser le comportement de l’ensemble du système ferroviaire. « J’aime les trains; ils sont un système vraiment intéressant. L’ensemble du réseau ferroviaire – le tracé, le système, les trains – tout est si complexe, il y a bien plus de choses qu’on peut l’imaginer, de prime abord. »