Les trolls se permettent-ils des comportements en ligne qu’ils ne se permettraient pas dans le « vrai monde »? Une compilation d’études suggère le contraire: les personnes désagréables ou « hostiles » sur Internet le seraient tout autant qu’ailleurs. Internet leur offrirait simplement plus d’opportunités… et plus de visibilité.
Dans les mots du communiqué de presse de l’Université Aarhus, au Danemark: « l’Internet ne transforme pas les gens en des crétins, il offre plutôt un mégaphone géant pour ceux qui le sont déjà ».
Les deux auteurs, les politologues Alexander Bor et Michael Petersen, sont partis d’une explication souvent utilisée, appelée l’hypothèse de l’inadéquation. Celle-ci dit en gros que les gens auraient des comportements inadaptés à une situation jusque-là inédite. En l’occurrence, ils auraient moins de « filtres » dans une conversation en ligne parce qu’ils ne voient pas le visage de leur interlocuteur, donc ses réactions à leurs propos.
Le problème est qu’il y a peu de données probantes pour appuyer cette hypothèse, entre autres, soutiennent Andersen et Bor dans leur texte paru le 26 août, parce que la plupart des études se sont concentrées sur les conversations en ligne seulement, et que celles qui ont comparé les deux types de conversations ont rarement privilégié les sujets politiques, soit les plus susceptibles de générer des réactions enflammées. Ils ont donc choisi d’analyser huit études qui documentaient ce présumé « bond » d’hostilité dans les discussions politiques en ligne.
Leur conclusion est que les données soutiennent plutôt que les individus « hostiles en ligne » le sont tout autant « offline ». Il n’y aurait pas une telle chose qu’une incapacité à « réguler ses émotions » une fois qu’on est en ligne, mais plutôt un « trait de personnalité » qui était déjà là avant.
Ce n’est pas tout le monde qui a une personnalité qui le rend plus susceptible d’être à l’offensive, résume Alexander Bor dans la revue britannique Engineering & Technology. « En bout de ligne, ces différences dans les personnalités deviennent un bien plus grand catalyseur de l’hostilité en ligne. »
S’il y a un biais de sélection, il est peut-être dans l’autre « groupe », écrivent les deux chercheurs: les individus non-hostiles « se retirent de toutes les discussions politiques en ligne, qu’elles soient hostiles ou non ».
Cela revient aussi à dire que plusieurs des gens hostiles ou agressifs sont conscients qu’ils le sont et savent sur quels boutons pousser pour obtenir davantage de réactions de leur « auditoire ». Le fait que ce comportement soit bon pour le modèle d’affaires des médias sociaux (créer plus de réactions, inciter les gens à revenir plus souvent, etc.) contribue à donner l’impression qu’il y a plus d’hostilité, alors qu’il est possible que celle-ci soit juste plus visible.