En plus de frapper une des parties des États-Unis les plus exposées aux ouragans — la Louisiane — l’ouragan Ida a frappé de plein fouet, le 29 août, une région possédant une des plus grandes concentrations d’industries pétrolières, gazières et chimiques.
Il est trop tôt pour une évaluation des dommages environnementaux: on peut craindre, au minimum, des déversements toxiques dans l’eau et des rejets dangereux dans l’air, sans qu’il ne soit possible de prévenir les habitants de la région qui n’ont pas pu évacuer. Mais même s’il devait s’avérer que les installations les plus à risque aient été épargnées, ce n’est qu’une question de temps avant que l’intensification des tempêtes causées par le réchauffement climatique, ajoutée à l’affaissement du delta du Mississippi depuis 200 ans, ne provoquent une catastrophe écologique.
Et depuis des années, les experts voient mal comment l’éviter: au contraire d’une route au bord de l’eau qui peut être déplacée à cause de la hausse du niveau de la mer, les raffineries géantes, les installations portuaires et toutes les autres infrastructures ne peuvent pas, elles, être déménagées. Et les barrières anti-inondations qui les entourent ne pourront pas être indéfiniment reconstruites de plus en plus hautes.
Rappelons que, aux yeux des géologues locaux, la Louisiane est construite sur une éponge:
- D’une part, depuis des milliers d’années, le fleuve Mississippi transportait des sédiments sur des centaines de kilomètres, qu’il abandonnait avant de se jeter dans le golfe du Mexique, redessinant ainsi le tracé des îles et des cours d’eau.
- D’autre part, à intervalles réguliers, des tempêtes venues du large déplaçaient une partie de ces terres et de ces cours d’eau.
- Sauf que les humains, en construisant digues et canaux pour empêcher leurs villes d’être inondées, ont empêché les sédiments de passer, avec pour résultat que les tempêtes arrachent des parties du territoire qui ne sont plus remplacées par la nature.
Résultat, des îles disparaissent petit à petit — on cite souvent en exemple celles des Cajuns — tandis que les autorités locales dépensent des milliards pour protéger des villes comme Houma et Port Fourchon, devenues le coeur de l’économie de la Louisiane avec la découverte, il y a un siècle, du pétrole dans le golfe du Mexique. Les 17 raffineries de pétrole de la région représentent le cinquième de la production des États-Unis. Les deux terminaux de gaz naturel liquéfié exportaient à eux seuls plus de la moitié de la production du pays. Et il y aurait 590 sites qui produisent ou entreposent des produits dangereux, selon une analyse réalisée cette semaine par des médias locaux à partir des données de l’Agence américaine de protection de l’environnement.
Combien de temps avant une catastrophe? C’était la question qui s’était posée il y a 16 ans, lorsque l’ouragan Katrina avait frappé au même endroit. L’industrie avait été ébranlée pendant quelques semaines puis avait repris ses activités, mais la facture, chaque fois, est élevée, autant pour les compagnies que pour les gouvernements. Et l’incertitude sur le futur des ouragans —seront-ils plus nombreux ou « seulement » plus puissants— n’est pas rassurante.
Il n’existe pas de données en temps réel sur les déversements, rappelle le New York Times, de sorte que ce n’est peut-être pas avant des semaines qu’on aura une évaluation des impacts environnementaux causés par Ida. Mais concrètement, il faut savoir que raffineries et usines chimiques « expulsent » littéralement des nuages toxiques lorsqu’elles interrompent leurs activités. En 2017, l’industrie pétrochimique de Houston, Texas, avait ainsi émis des millions de kilos de polluants dans l’air environnant, après le passage de l’ouragan Harvey. En 2004, l’ouragan Ivan avait détruit une plateforme de forage en mer, à 10 km de la côte, provoquant la plus longue marée noire de l’histoire du pays.
Les groupes environnementaux réclament évidemment depuis longtemps un débat sur l’avenir énergétique de la région, considérant la succession d’ouragans destructeurs des deux dernières décennies. Mais la Louisiane part de loin, étant l’avant-dernier des 50 États des États-Unis pour ce qui est du pourcentage d’énergie produit par des sources renouvelables.