Depuis jeudi soir, l’heure est à la célébration, sur les planches du Théâtre Aux Écuries, et pour cause: le festival du Jamais Lu, un événement rassemblant certaines des créations théâtrales contemporaines les plus intéressantes, bat son plein. Et avec public, s’il vous plaît! Pour le 20e anniversaire de l’événement, rencontre avec Marcelle Dubois, l’une de celles qui a vu naître le tout.
Comment se sent-on, après 20 ans? Au bout du fil, Mme Dubois, la directrice artistique et générale de cet happening scénique, cherche d’abord un peu ses mots. Parce que forcément, le cours normal des choses a été chamboulé par la pandémie. Mais « ce n’est pas tant la question de la COVID-19 », explique-t-elle, mais plutôt le fait de se retrouver. « C’est le plaisir du partage… C’est le fait de faire découvrir des oeuvres qui sont toujours en création. Et si nous avons été en webdiffusion, comme la plupart des gens, pour la naissance d’une oeuvre, cela n’a pas de sens; il y a un besoin pour cette rencontre-là » entre le public et l’artiste, mentionne-t-elle.
« Reprendre Lady Macbeth en webdiffusion, ça se peut, peut-être, mais reprendre une oeuvre qui est en train de naître, il faut se rapport avec le public. Et après un premier festival annulé, l’an dernier, et celui de cette année repoussée de mai à août, je dirais que lorsque je suis rentrée au théâtre, jeudi matin, j’étais très émue de voir cette coquille, cette maison grouillante et prête à accueillir le public! »
« Pour les auteurs, j’avoue que cela m’a fait une grande émotion », ajoute Mme Dubois.
Quant aux 20 années écoulées, la directrice artistique et générale évoque à la fois un « vertige », mais aussi « une grande fierté de constater qu’elles sont allées à bâtir un réseau et aller chercher un public fidèle ». Car le Jamais Lu a non seulement sa plus importante déclinaison à Montréal, mais dispose aussi d’une antenne à Québec, en plus d’événements organisés à Paris.
« On travaille aussi sur un événement dans les Caraïbes… C’est ça que nous avons fait, en 20 ans: nous avons tissé une toile de circulation des paroles francophones. Je pense que nous sommes très fiers. Mais il est important, pour moi, de faire non pas un 20 ans rétrospectif, mais plutôt un 20 ans prospectif. Le travail accompli nous donne des racines, des outils… mais pour aller où? Pour se projeter dans quoi? »
Histoire de favoriser la multiplicité des points de vue, Mme Dubois s’adjoint depuis quelques années des codirecteurs et codirectrices artistiques. « Cette année, je suis allée en chercher trois! Pour moi, ils représentaient ce qui est important d’observer, cette année. Il y a Anne-Marie Olivier, qui fait partie des premières éditions du festival, qui l’a vu grandir et qui a créé la version du festival à Québec; Marie Louise Bibish Mumbu, qui vient de la République démocratique du Congo, que j’ai rencontrée à Paris… Elle a immigré au Québec, on a continué notre route ensemble. Pour moi, elle représente les Néo-Québécois à qui il faut donner de l’espace. Et enfin il y a Etienne Lou, finissant de l’École nationale de théâtre il y a deux ans, québéco-chinois qui est à la fois auteur, danseur… cette forme hybride d’artiste qui est l’apanage de plus en plus de gens. »
Ensemble, les trois collaborateurs ont épluché environ 130 textes pour y piger de quoi organiser la douzaine d’événements qui sont présentés à Montréal depuis jeudi.
« Nous sommes vraiment à l’affût de ce qui est le dénominateur commun, ce que les auteurs semblent avoir un besoin urgent de dire », ajoute Mme Dubois.
« Qu’est-ce qu’on veut dire, nous comme festival? Évidemment, on ne voulait pas faire une édition sur la COVID-19, mais on sent que le point de vue sur le monde a changé. Au cours des années précédentes, on était dans une dramaturgie qui annonçait une future catastrophe; maintenant, c’est un peu « Ok, la bombe a explosé, qu’est-ce qu’on reconstruit? ». »
Et pour cette nouvelle édition, le public n’a pas déserté le théâtre en salles, bien au contraire, assure la directrice artistique et générale du Jamais Lu: plusieurs soirées sont déjà annoncées à guichets fermés. Et même si les mesures sanitaires limitent quelque peu le nombre de spectateurs qui peuvent être présents, Mme Dubois est certaine qu’en advenant la possibilité de vendre toutes les places normalement offertes, la salle serait certainement pleine à craquer.
Pour consulter la programmation et vous procurer des billets, consultez le site web du Jamais Lu.
Le festival se poursuit jusqu’au 28 août.