En Grèce antique, la démocratie était bien différente de ce que nous connaissons aujourd’hui. Plutôt que de tenir des élections, la plupart des postes, y compris ceux des décideurs politiques et des juges, étaient occupés par des citoyens volontaires, choisis au hasard par loterie. Quelques milliers d’années plus tard, des chercheurs veulent se tourner vers la technologie pour reproduire cette expérience.
Si les assemblées citoyennes d’antan sont plus populaires, de nos jours, que ce soit pour concevoir des mesures pour lutter contre les changements climatiques, comme en France et au Royaume-Uni, ou pour modifier la constitution, comme en Irlande, le plus difficile demeure le fait de déterminer qui a le droit d’occuper les postes importants. Les assemblées doivent être représentatives de leur société et de l’ensemble de la population. Mais leur sélection devrait être aléatoire, idéalement dans un contexte où tous les volontaires ont autant de chances d’être choisis.
Pour atteindre cet équilibre, les anciens Athéniens avaient conçu une machine rudimentaire appelée kleroterion, qui sélectionnait au hasard des groupes de participants provenant de diverses tribus. Aujourd’hui, c’est grâce aux ordinateurs que cette démarche pourrait être effectuée.
Ces chercheurs, provenant des universités Harvard et Carnegie Mellon, en collaboration avec un spécialiste de la Sortition Foundation, ont conçu et mis au point un processus de sélection qui respecte à la fois le critère de la représentation et celui de la justice en matière de sélection.
Les résultats des travaux ont été publiés dans Nature.
« Idéalement, une assemblée citoyenne agit comme un microcosme de la société », affirme Ariel Porcaccia, coauteur de l’étude. « Le fait d’atteindre ou non cet objectif en pratique, cependant, dépend entièrement de la façon dont sont choisis les membres de ladite assemblée. »
« Nous devons d’abord nous demander comment nous pouvons envisager la justice en termes de sélection, puis comment formaliser le tout d’une façon à ce que tous aient des chances égales », mentionne pour sa part Bailey Flanigan, un autre coauteur de l’étude.
L’équipe de recherche s’est intéressée à un processus de sélection en deux temps typique pour une assemblée. Lors de la première étape, des milliers de personnes choisies au hasard sont invitées à participer. Le groupe final est choisi à parti d’un groupe de volontaires en s’appuyant sur un algorithme de sélection. Cependant, le groupe de volontaires tend à ne pas correctement représenter la population dans son ensemble, puisque certains groupes, comme ceux étant plus éduqués, ont davantage tendance à participer.
« Offrir des probabilités égales à tous les participants est généralement impossible, tout en respectant les quotas démographiques », mentionne Paul Gölz, lui aussi coauteur de l’étude. « Notre algorithme de sélection permet d’établir un groupe qui répond aux quotas, tout en offrant aux participants potentiels une chance aussi égale que possible d’être choisis. »
Le programme informatique agit de la sorte en traitant une distribution de données réparties entre plusieurs groupes, qui respectent tous les normes exigées, puis en pigeant au hasard dans ce bassin de population pour créer un nouveau groupe. L’algorithme s’assure ensuite que chaque volontaire ait autant de chances que possible, mathématiquement parlant, d’en faire partie.
Cet algorithme en code source ouvert a déjà été employé pour former plus d’une quarantaine d’assemblées citoyennes à travers le monde par des organisations sises dans des pays comme le Danemark, l’Allemagne, les États-Unis, la Belgique et le Royaume-Uni. De fait, l’algorithme en question est disponible gratuitement en ligne.
Pour la suite des choses, les chercheurs vont continuer à travailler avec des gens sur le terrain pour s’appuyer sur l’expérience de ces derniers, histoire d’améliorer davantage l’efficacité de cet algorithme.
« Nous sommes excités à l’idée d’explorer de nouvelles façons pour que les mathématiques et l’informatique puissent contribuer à la pratique de la démocratie », a dit M. Porcaccia.