La débauche de la fin de l’adolescence et le point de non-retour avant d’atteindre l’âge adulte continuent d’inspirer le cinéma: c’est le cas du film Here Are The Young Men, adapté du roman du même nom de Rob Doyle. Dommage, toutefois, qu’il n’arrive en rien à se démarquer de tous ses semblables ou même de ses très nombreux prédécesseurs.
Voilà un film qui semble avoir été créé par un grand amoureux de cinéma qui a eu envie de se lancer dans la cour des grands. Après tout, l’Irlandais Eoin Macken s’est avéré être un grand touche-à-tout du septième art, s’appropriant presque toutes les étapes de ses créations précédentes, et lorgnant un côté plus amateur où il se mettait également en vedette, étant d’abord et avant tout un comédien.
En adaptant le roman de Doyle, il retrouve son Irlande natale et se permet quelque chose qui peut paraître plus personnel sur papier. Le résultat est tout autre, alors qu’il semble seulement faire référence aux œuvres et artistes populaires qui l’ont sûrement marqué, sans jamais vraiment arriver à transcender ses influences.
Sa notoriété grandissante et l’aide notable de Paul W.S. Anderson (pour qui il a déjà joué) à titre de producteur exécutif le poussent toutefois avec son long-métrage le plus grand public jusqu’à maintenant, bénéficiant d’une distribution charismatique qui tente de tirer le mieux d’un film qui manque de nous intéresser, plus il avance dans son propre chaos.
Si l’on retrouve Ferdia Walsh-Peelo, qu’on pensait avoir perdu après l’excellent, mais trop peu vu Sing Street, on compte aussi sur la présence de Finn Cole, surtout connu pour être à la tête de l’adaptation télévisuelle de l’excellent film australien Animal Kingdom, mais aussi de Dean-Charles Chapman, vu autant dans Game of Thrones que 1917, en plus de la très en vogue Anya Taylor-Joy et Travis Fimmel, qui tente le mieux qu’il peut de percer à l’écran après avoir été connu dans la télésérie Vikings.
Les performances énergiques de cette jolie distribution nous attirent vers cette production, mais parviennent difficilement à capter notre intérêt tout du long. On pourrait croire que ce sombre univers de déchéance, de drogues, d’alcool, de morts et de deuil en soit la principale raison, mais le traitement tape-à-l’œil accomplit le contraire de ce qu’il souhaite. Au lieu de nous inclure dans sa fougue, il nous empêche d’avoir accès aux émotions.
Pourtant les inspirations sont pour le moins évidentes. De débuter le film avec la pièce Loaded de Primal Scream, soit exactement la même que le génial The World’s End de Edgar Wright, amène de lui-même la comparaison avec les oeuvres du cinéaste avec un montage vif qui donne beaucoup d’importance aux choix musicaux. Mais Macken n’a vraiment pas le même flair que Wright et on est certainement loin d’une incursion de déboires et d’amitié comme le cinéaste britannique en a l’habitude, mais en version irlandaise.
Il y a aussi ces interactions fantaisistes avec la télévision qui rappellent immédiatement Requiem For a Dream, surtout avec ces tentatives de parler des méfaits de la drogue, mais encore là, le manque de doigté du cinéaste empêche de donner un tant soit peu de relief à son ensemble.
Ainsi, autant dans sa descente aux enfers que dans son désir de représenter un microcosme précis, il ne parvient jamais à faire sa propre marque comme l’ont fait par exemple les géniaux Super Dark Times et Beats, deux films débutant par une prémisse surutilisée, mais arrivant à transcender les possibles.
On se retrouve alors avec un film qui semble aborder la masculinité toxique de plein front. De montrer ces amitiés masculines constamment sur le point de basculer vers les mauvaises décisions. Dommage, toutefois, que le film n’arrive jamais à s’en approprier une réflexion un tant soit peu nécessaire ou pertinente outre que de se diriger lentement, mais sûrement, vers la conclusion que c’est mal d’agir ou penser ainsi, au-delà de moments de provocations volontaires plutôt faciles.
L’édition est dénuée de suppléments si ce n’est d’une bande-annonce du film.
Here Are the Young Men piquera certainement la curiosité et donnera envie de se concentrer sur ce qu’ont à offrir ces beaux représentants de la relève, mais il aura tôt fait de se démontrer incapable de récompenser les spectateurs qui auront choisi d’accorder un peu de temps à la production.
Here Are The Young Men est disponible en Blu-ray et en DVD depuis le 29 juin dernier.