Le poisson n’est généralement pas la bestiole à laquelle on pense quand on mesure la taille des cerveaux, et pourtant: il semblerait que la taille relative des cerveaux des truites grossisse lorsque leur environnement devient plus compliqué.
En d’autres termes: le cerveau du poisson grossit lorsqu’il est obligé de réfléchir davantage. C’est en tout cas la formule qu’utilise le biologiste Frédéric Laberge, de l’Université Guelph, en Ontario, pour résumer les deux recherches de son équipe, l’une sur la truite grise dans deux lacs de l’Ontario et l’autre sur la truite arc-en-ciel, toutes deux parues en juin.
On parle ici de « taille relative », c’est-à-dire la proportion de la taille de l’animal occupée par le cerveau. L’étude sur la truite arc-en-ciel a ceci de particulier qu’elle porte sur des poissons qui s’étaient échappés d’un élevage. Après sept mois à nager dans le lac voisin, ces truites avaient développé un cerveau de taille relative 15% plus gros que leurs congénères demeurées dans la pisciculture.
Dans le cas de la truite grise dans son habitat naturel, son cerveau augmentait pendant l’automne et l’hiver, et diminuait pendant l’hiver et l’été.
Et ce type de comparaison n’est pas une première: la même équipe avait publié une étude similaire en 2018 sur le cerveau du crapet-soleil (ou perche soleil), un poisson d’eau douce. Étude qui évaluait à 8% la différence de taille entre les cerveaux des poissons qui nageaient près du littoral — un « environnement spatialement plus complexe » — et ceux qui nageaient en eaux libres.
À l’évidence, nager dans un environnement riche en défis demande plus de « ressources cérébrales » pour survivre. Mais on n’avait jusqu’ici que peu d’exemples d’un tel mécanisme évolutif à l’oeuvre dans un aussi court laps de temps. Et l’inverse est aussi vraie: un cerveau plus petit peut aussi devenir un avantage, puisqu’il nécessite moins d’énergie, laquelle peut dès lors être employée à nager plus vite ou à chercher plus vite la nourriture.