Que se passe-t-il dans la tête d’Emily Carroll? L’illustratrice ontarienne, déjà responsable de la création d’une bande dessinée numérique d’horreur, His Face All Red, a récemment eu droit à un traduction de When I Arrived at the Castle, devenu Quand je suis arrivée au château dans la langue de Molière. Et le moins que l’on puisse dire, à propos de cette oeuvre parue aux éditions IMHO, c’est que le côté horreur est tout à fait là… et que Mme Carroll a l’imagination particulièrement fertile.
Dans une sinistre demeure s’élevant bien haut au-dessus d’une forêt aux apparences maléfiques, une jeune femme veut en finir avec l’horrible créature qui habite les lieux. Cette dernière, on le devinera aisément, est de nature à dormir le jour, vivre la nuit, et disposer de crocs particulièrement pointus, en plus d’entretenir une passion pour le liquide vermeil et chaud qui circule dans les veines de ceux (et surtout celles) qui viennent lui rendre visite.
Dans le jeu du chat et de la souris qui s’instaurera rapidement entre la visiteuse et la maîtresse des lieux, on aurait tendance à penser que l’histoire suivra son cours classique, et que la jeune femme sera promptement séduite, puis vidée de sa force vitale.
Et pourtant, en quelques pages, voire seulement en quelques cases, Mme Carroll surprend le lecteur de ce roman graphique. Non seulement parce qu’on y trouve suffisamment de revirements de situation pour faire en sorte que l’on ignore comment tout cela se terminera, mais aussi parce que les visuels sont non seulement lourdement chargés d’érotisme, ils contiennent aussi assez d’horreur pour provoquer un flottement pas si désagréable entre les deux genres.
Devons-nous être émoustillés? Devons-nous être horrifiés? Devons-nous, en fait, nous abandonner à cette fusion d’Eros et Thanatos? Toutes ces pensées et ces sentiments s’unissent et se séparent à chaque page que l’on tourne, pratiquement à chaque case qu’on lit.
Et sans vouloir dévoiler les tenants et aboutissants de l’intrigue, force est de constater que le jeu des couleurs, la fluidité des lignes, la capacité d’aller au-delà de la structure visuelle traditionnelle… tout cela contribue fortement à l’intérêt suscité par cette oeuvre hors du commun.
Grandement influencé par les travaux d’un autre Carroll, Lewis, cette fois-ci, et par l’univers gothique, Emily Carroll emporte ses lecteurs vers un univers étrange, fascinant, excitant et terrifiant. Un voyage dont on n’a pas nécessairement envie de revenir.