Marvel continue de briser ses propres barrières et de faire la part belle à la parité. On excusera donc le manque de subtilité autant dans l’exécution que dans l’histoire, mais on appréciera grandement cette ode à l’émancipation féminine qui permettra à toute une nouvelle génération de jeunes filles et de femmes de trouver leur place dans le genre prédominant des superhéros. À l’instar de Captain Marvel, donc, Black Widow marque de belle façon l’entrée définitive dans la phase quatre du MCU.
Si le film a été tourné il y a un moment déjà et avait sa sortie prévue il y a plus d’un an, il est pratiquement impossible de ne pas voir ce nouvel opus comme la répercussion d’une pause bien méritée.
Peut-être est-ce parce que c’est notre premier film de Marvel depuis plus de deux ans, mais on semble véritablement être entrés dans une phase qu’on qualifiera de plus mature et qui essaie de se défaire de la formule qui jusqu’ici était appliquée pratiquement à la lettre de film en film. C’est d’ailleurs lorsqu’on essaiera un peu trop d’imbriquer à l’ensemble les éléments plus familiers que le long-métrage battra davantage de l’aile.
Si l’on oublie l’introduction qui s’avère plutôt faible (il y aurait eu manière de nous impliquer bien plus dans cette poignante histoire de cette famille inhabituelle, surtout pour mieux faire ressortir l’émotion dans les scènes à venir, n’en déplaise à une musique qui aurait pu être mieux utilisée) on se surprendra alors à trouver quelque chose qui lorgne davantage vers les territoires des Bourne, des Mission : Impossible ou même de James Bond en misant sur l’action et les répercussions des actes du passé.
Une décision qui a rapidement un impact, avec ses revirements et ses sympathiques scènes d’action, et qui s’emboîte judicieusement dans ce retour en arrière bien pensé suivant le destin de la protagoniste.
Coincé en sandwich entre deux films phares de la saga, Black Widow permet finalement de mettre l’avant-plan sur le personnage du même nom qu’incarne Scarlett Johansson depuis plus d’une décennie et pour près d’une dizaine d’apparitions d’importance différentes. Il est toutefois important, comme la majorité le fait, de mentionner l’évolution qu’a subie son personnage (si on oublie celui de son accent qui est également très aléatoire pour tout le monde dans ce film cela dit en passant).
C’est effectivement dans cette démystification de la femme-objet que le film se veut le plus intéressant. De celle qui est surtout arrivée comme objet de désir là pour jouer les jolies héroïnes d’accompagnement (impossible d’oublier l’horrible scène où elle se change à l’arrière d’une voiture dans le tout autant horripilant Iron Man 2) en arrive quelqu’un à la psychologie complexe qui a autant droit à son passé qu’à ses propres envies.
L’histoire, justement, s’intéresse à la manipulation, l’utilisation et l’objectivation même des femmes (jeunes ou encore fillettes) qu’on a envie d’utiliser comme soumises, elles qui voient cette option comme une bouée de sauvetage face à un monde qui ne les aurait pas accueillies comme il se doit.
Dans probablement n’importe quel autre film, cela aurait servi de prémisse dite « normale »; ici il n’en est pas question. Au contraire, on veut à tout prix montrer le non-sens d’une telle mentalité et tout donner pour rendre aux femmes le contrôle et la force qui leur revient de droit en s’arrangeant constamment pour leur permettre de les montrer sous leur meilleur jour.
Ici, on s’amuse intelligemment à réécrire la définition des femmes de rêve et à les montrer tout en caractère et en fougue et non pas en courbes. On leur donne des chorégraphies qui ont du punch et des personnalités qui séduisent amplement. Après tout, outre Johansson qui est déjà très appréciée depuis très longtemps, impossible de ne pas craquer pour la toujours sublime Rachel Weisz et, au risque de se répéter de film en film, impossible de ne pas être impressionné par le talent d’un naturel désarmant de Florence Pugh.
Celle-ci, depuis le trop peu vu Lady Macbeth en passant par Little Women qui l’a menée aux Oscars et bien sûr l’inoubliable Midsommar, ne cesse de voler la sellette d’apparition en apparition.
Il y a également une certaine logique dans le choix de Cate Shortland, la réalisatrice qui malgré son manque d’expérience dans les mégaproductions et encore moins dans les films d’action, arrive à apporter un regard plus intimiste et personnel à cette histoire, elle qui dans son film précédent, Berlin Syndrome, parlait déjà des femmes contrôlées et de leur émancipation. Elle repose toutefois sur un scénario qui ne lui appartient pas, mais dont au moins une des têtes à été confiée à une femme, soit Jac Schaeffer, dont la carrière toutefois n’est pas si relevée.
Et ce scénario, si l’on oublie ses symboliques d’une importance considérable, finit par devenir plutôt accessoire, alors qu’on reste bien plus absorbé par le suspense, par l’action et par cet humour qui se pointe régulièrement avec majoritairement du succès. David Harbour a après tout beaucoup de plaisir à faire partie de la fête.
En plus des chorégraphies, époustouflantes à leurs heures, on a aussi des scènes d’action plutôt bien foutues si on est capable de passer sur le fait qu’elles sont très mal montées et parfois amenuisée par des coupures dans les gestes et les angles qui rendent difficile la visibilité ou la fluidité.
Au reste, le film n’est jamais trop révolutionnaire d’un point de vue cinématographique, les compositions de Lorne Balfe sont vite oubliables et les effets spéciaux sont si familiers qu’on ne croit pas qu’il est si important de les souligner.
Comme de coutume par contre, rappelons quand même que la traditionnelle scène à la fin du générique risque de susciter beaucoup de réactions.
Voilà donc un film qui a sa part d’importance. Pas nécessairement pour ce qu’il est, mais bien plus pour ce qu’il représente non seulement dans une grande machine aussi bien huilée que Disney ou Marvel ou leurs affiliés, mais aussi pour Hollywood en général, amenant un regard nouveau sur la femme dite d’action qui est capable non seulement de se défendre, mais aussi de secourir ou se sortir du pétrin par elle-même lorsqu’elle ou elles en a ou ont besoin. Cela peut paraître minime, mais en ensemble c’est fichtrement impressionnant et, aussi, vraiment très beau à voir aller.
6/10
Black Widow prend l’affiche en salles et en Accès Premium sur Disney+ dès ce vendredi 9 juillet. Plusieurs représentations spéciales ont lieu dès jeudi.