À grands coups de poésie, de propos incisifs et d’anecdotes révoltantes, mais nécessaires, Dany Laferrière nous offre son Petit traité sur le racisme, publié chez Boréal. D’entrée de jeu, il circonscrit le sujet: il se limitera (même si le racisme ne semble pas avoir de limites) à parler du racisme des Blancs envers les Noirs, aux États-Unis.
De l’esclavage aux propos mi-amers entendus dans une soirée mondaine, en passant par les assassinats d’adolescents noirs non armés par des policiers blancs, l’académicien décline une multitude de visages du racisme et il n’a pas à chercher loin pour étayer son propos. On ne parle pas ici d’histoire ancienne : cela voudrait dire qu’on décortique et qu’on analyse le passé. On parle, hélas, de l’actualité. Une actualité qui est solidement assise sur une véritable mythologie du Noir, un être fourbe, voleur, violeur, inférieur et méprisable. Ah oui, bien sûr, vous voulez parler de celui qu’on a réduit en esclavage, dont on a violé les femmes et les filles, dont on a exploité sans vergogne les richesses naturelles de sa terre d’origine, qu’on a empêché de s’instruire et à qui on offre, la plupart du temps, la prison comme logement social…
Au travers de toutes ces horreurs que Laferrière rapporte, il nous offre aussi quelques contreparties au désespoir. Quand il raconte les écrivains Richard Wright, Chester Himes ou James Baldwin, ou quand il dépeint son admiration pour Maya Angelou, Toni Morrison et Nina Simone, on a envie d’espérer, on a envie d’avoir un rêve.
Tout aussi songé qu’il l’est d’habitude, l’auteur est encore une fois efficace, touchant, truculent. Voici quelques extraits, pour la bonne bouche :
« Le chien est toujours présent dans la vie du Noir en Amérique. On dressait des chiens qu’on lançait à la poursuite de l’esclave en fuite. L’affiche disait à l’entrée des établissements publics : « Interdit aux nègres et aux chiens ». ».
« Sa voiture est tombée en panne dans un quartier résidentiel où ne vivent que des Blancs. La police est arrivée tout de suite. On lui a écarté les jambes, puis on l’a fouillé comme s’il avait franchi illégalement une frontière. »
« Quand une femme dit NON, vous devez arrêter, quand un Noir dit « J’étouffe » vous devez arrêter aussi. »
Pour ne pas oublier à quel point le racisme est toujours présent, qu’il soit grossier ou, parfois, subtil, il faut lire ce traité, que dis-je, ce manifeste!