À combien d’albums sont-ils rendus, les galopins océaniens? Deux, seulement en 2021? Après K.G. et L.W., les deux dernières parties de la trilogie microtonale entamée sous Flying Microtonal Banana, voilà que le style change complètement. Enfin, complètement… disons que Butterfly 3000, sorte de voyage tripatif à la limite de l’espace-temps, vient s’inscrire dans les très vastes ornières déjà tracées par King Gizzard and the Lizard Wizard.
Les habitués de la formation retrouveront quelque chose de Fishing of Fishies – 14e album du groupe et 1ère production de l’année 2019, tout juste avant le détour complètement délirant du thrash metal d’Infest the Rat’s Nest – dans ces notes légères, ce chant presque aérien, les percussions quasiment retenues, ou encore cette utilisation du clavier.
Tout se mélange pour donner l’impression d’une danse au ralenti dans les champs ensoleillés, mais à l’instar de Fishing for Fishies, justement, les apparences sont trompeuses. Enfin, trompeuses… disons que King Gizzard reste King Gizzard, et qu’il serait franchement ennuyant de voir le groupe s’en tenir aux convenances, et de conserver un seul style musical sur les 10 pistes que compte cet album.
Non, King Gizzard n’est pas King Gizzard pour rien: la petite mesure répétitive au clavier, qui a d’abord pratiquement des allures de thème d’émission pour enfants, prend rapidement une tournure lancinante, étrange, presque inquiétante. En fait, après les jolies chansonnettes sympathiques de Yours, Shanghai et Dreams (avec quelques indices des choses à venir dans cette pièce, justement), voilà que l’album devient étrange avec Blue Morpho… et que les amateurs du groupe retrouvent les sonorités désormais bien connues et particulièrement appréciées.
La marque de commerce du groupe est l’exploration musicale, après tout, et on retrouve ces notes inattendues avec un plaisir constamment renouvelé. L’expression est paradoxale, mais l’expérience est certainement authentique. Tout aussi authentique, en fait, que ces légères influences de Radiohead période Kid A que l’on retrouve dans Blue Morpho, ou encore cette touche d’Archive que l’on semble aussi deviner à travers les notes.
De pop et sympathique, la musique de Butterfly 3000 passe à l’électronique exploratoire… avant de reprendre une apparence bien propre sur elle avec Interior People, la pièce suivante.
Ce sont un peu ces allers et ces retours, en fait, entre le petit plaisir de bordure de route campagnarde et le trip spatial, qui font de ce nouvel album un élément à part entière de la discographie de King Gizzard. Sans offrir d’aussi grands écarts musicaux que de précédents albums – ce journaliste croit bien qu’il sera toujours compliqué de se remettre de Rattlesnake, ou encore de Straws in the Wind –, ce disque excelle plutôt dans sa modération.
Est-ce le signe d’une plus grande maturité musicale? Bien honnêtement, au 18e album studio, la maturité est probablement atteinte depuis belle lurette… ou ne le sera jamais. Mais chez King Gizzard, cette maturité n’est aucunement symbole d’un immobilisme, bien au contraire. Les gars explorent, les gars créent, et plutôt que de se cantonner dans un seul style, les voilà qui prennent toute la place avec des créations musicales plus qu’éclatées. Et donc, si Butterfly 3000 n’est pas nécessairement un chef-d’oeuvre, il s’agit d’un disque solide qui apporte sa pierre à l’édifice musical complètement déjanté du groupe.