Avec Arrival (2016), le réalisateur Denis Villeneuve met en scène une linguiste afin de résoudre le problème de communiquer avec une civilisation extraterrestre. La complexité de cette dimension nous renvoie à des énigmes réelles, dont celui de la langue finnoise.
Les Finlandais se distinguent par l’efficacité de leur système d’éducation peu contraignant pour les étudiants, pour être le premier pays d’Europe à accorder le droit de vote aux femmes, par son refus de l’aide financière américaine du Plan Marshall après la Seconde Guerre et parce qu’ils ont préféré demeurer sur leur territoire aux milliers de lacs, de rivières et d’îles que de prendre part aux expéditions vikings. Cette souveraineté intrigante est-elle le reflet de leur langue particulière ?
Appartenant à la famille finno-ougrienne au côté de l’estonien et du hongrois, le finnois s’éloigne de l’ensemble des langues européennes. Par exemple, le français via le roman et les langues scandinaves faisant partie des langues germaniques appartiennent à une famille parallèle, la famille indo-européenne. En plus des langues originaires de l’Europe, cette famille inclut l’arménien et les langues indo-iraniennes. Cernée par la famille indo-européenne, comment la famille finno-ougrienne a-t-elle résisté à l’assimilation ?
Retracer le parcours de ce peuple nomade provenant de la région située entre les régions de l’Oural et de la Volga, il y a 5000 ans, fournit quelques pistes, d’après l’ex-président de l’Association française des études finno-ougriennes Bernard Le Calloc’h dans son ouvrage Histoire de la Finlande publié en 2010. À titre comparatif, il y a autant de différences entre le hongrois et le finnois de la famille finno-ougrienne qu’entre le français et le persan de la famille indo-européenne. Alors, en parcourant la distance de la Hongrie à l’Estonie actuelles, les futurs Finlandais ont été en contact avec les Goths, les Lettons et les Lituaniens. C’est probablement grâce aux techniques maritimes de ces deux derniers peuples baltes qu’ils ont pu traverser la mer et accoster sur le territoire de la Finlande actuelle.
L’apport des tribus de Germanie, dont le suédois, et plus tard l’apport des Slaves ne concernent pas seulement le vocabulaire, mais aussi la phonétique et la structure syntaxique du finnois. À la fin de la première moitié du XVIe siècle, la langue écrite et parlée dans toute la Finlande a été fixée, d’après le professeur du département de Géographie de l’Université Metz, Michel Cabouret dans son ouvrage La Finlande publié en 2005. Depuis, il n’y a que l’orthographe qui a été modifiée.
Aujourd’hui le finnois est parlé par plus de cinq millions de personnes, principalement en Finlande, mais aussi dans certaines enclaves suédoises et russes, dont la Carélie. Quant à la langue des autochtones du nord, le lapon ou langue same appartenant aussi à la famille finno-ougrienne, il s’est différencié du finnois au point que les deux langues ne sont plus compatibles.
Le finnois demeure malgré tout, et la famille finno-ougrienne constitue une alternative à tous ceux qui s’expriment dans une langue indo-européenne. Dans le cas où une linguiste doit communiquer avec une civilisation extraterrestre, elle risque de faire face à un rapport aussi complexe qu’entre ces deux familles linguistiques, sinon plus.
Canal cinématographique
Dans un article publié sur Pieuvre.ca le 7 septembre, l’Agence Science-Presse énumère des modes de communication avec les civilisations extraterrestres employés dans le cinéma de science-fiction : l’anglais en tant que langue intergalactique, la science en tant que langage, les mathématiques, la musique et la création d’une langue extraterrestre. Ensuite, l’auteur de l’article énonce la problématique du film de Denis Villeneuve comme suit : « Mais qu’en serait-il pour partager des concepts philosophiques ou des préoccupations sociales, au-delà du langage scientifique ? C’est là qu’interviendraient peut-être les linguistes, spécule le film Arrival ».
Même si on semble chercher à transmettre un contenu moins « factuel » et plus « humain », ce film participe à une vision réductrice de la communication, qui s’adresse à l’intellect, autant que les films énumérés dans l’article.
À cette liste, il manque un mode de communication au film Close Encounters of the Third Kind ( 1977 ). Le réalisateur de superproductions, Steven Spielberg a pensé à la musique, mais aussi à l’image mentale. Dans une scène, le père de famille « élu par le troisième type » sculpte ses patates pilées en forme de la montagne qui va servir de piste d’atterrissage au vaisseau spatial. Ainsi, le « message » peut emprunter divers canaux. Bref, le genre de science-fiction comprend plusieurs films qui ont pour objet l’échange avec les extraterrestres, sans se réduire à l’intellect.
Plusieurs films imposent aux spectateurs l’expression extraterrestre, de sorte que le public adopte une position de récepteur. Dans les films Aliens ( 1979 – 1997 ), l’équipe d’explorateurs se trouve en territoire hostile. Le genre féminin est le mode d’échange parce qu’on suit une héroïne ( Sigourney Weaver ) et son appareil reproducteur se trouve au centre de l’intrigue. Dans le film Mars Attacks ! ( 1996 ) réalisé par Tim Burton, les Marsiens bousillent toutes les infrastructures de la puissance mondiale. Ce n’est ni les scientifiques, ni l’armée, ni le Président qui arrivent à se débarrasser des envahisseurs, mais un jeune qui prend soin de sa grand-mère.
Sans oublier les films qui présentent les extraterrestres comme étant doués d’empathie envers les humains. Les minisoucoupes du film Batteries not inclued ( 1987 ) réalisé par Matthew Robbins saisissent la détresse des locataires subissant les pressions d’un promoteur immobilier qui veut détruire leur immeuble pour construire un édifice. Les extraterrestres aux enveloppes humaines de Cocoon ( 1985 ) réalisé par Ron Howard, de passage sur Terre pour incuber leurs semblables, développent des relations amicales avec les humains du même coup.
Lorsque le réalisateur de superproductions, Steven Spielberg a pris la décision de compléter le film Artificial Intelligence : A.I. ( 2001 ) du cinéaste Stanley Kubrick décédé pendant la recherche, les cinéphiles avaient raison d’angoisser. Deux univers aux antipodes.
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