Les produits de santé naturels vendus au Canada contiennent-ils vraiment les ingrédients indiqués sur les emballages? Le Détecteur de rumeurs tente de répondre à la question.
Les produits de santé naturels (PSN), tels que définis par Santé Canada, comprennent notamment les vitamines, les minéraux et les probiotiques, les plantes médicinales, les remèdes homéopathiques et les remèdes dits « traditionnels ».
Les consommateurs sont en droit de s’attendre à ce que le contenu de ces produits soit clairement affiché. Or, ce n’est pas toujours le cas, ce qui peut présenter, pour certains utilisateurs, des risques pour leur santé.
Des ingrédients qui ne sont pas sur l’étiquette
Des études ont en effet montré que plusieurs produits commercialisés au Canada contiennent des contaminants ou des ingrédients qui ne sont pas mentionnés sur l’emballage. Et ce, même pour des produits qui ont obtenu un numéro de produit naturel (NPN) octroyé par Santé Canada.
Ainsi, dans une étude publiée en 2013 dans la revue britannique BMC Medicine, des chercheurs de l’Université de Guelph, en Ontario, ont montré que la plupart des produits de santé à base d’herbes médicinales contiennent des substituts de plantes moins coûteux que l’original, comme de l’oignon, des farines de blé ou de riz, des résidus de plantes d’intérieur ou des fèves de soya. Même que certains produits « naturels » examinés ne contenaient aucun ADN végétal.
Après avoir analysé l’ADN de 44 produits vendus à Toronto et sur Internet par 12 compagnies différentes, ces chercheurs ont également découvert que 59 % des produits contenaient au moins une espèce de plante qui n’était pas indiquée sur l’étiquette. Un tiers des échantillons contenait des contaminants et/ou des produits de substitution non étiquetés et 20 % contenaient des ingrédients non étiquetés. Seulement deux compagnies vendaient des produits « authentiques », sans substituts.
Des ingrédients qui peuvent présenter un risque
En plus de ne pas correspondre à l’étiquette, certains des ingrédients pouvaient représenter un risque. Certains des produits, écrivaient les auteurs, étaient de si mauvaise qualité qu’on pouvait s’attendre à des effets négatifs. Par exemple, le Senna alexandrina, une plante aux propriétés laxatives dont l’usage prolongé peut causer des diarrhées chroniques, avait été détectée dans un produit au millepertuis censé traiter les états dépressifs. L’étude ne précise toutefois pas si c’était la quantité ou le nom de la plante qui était erroné sur l’étiquette.
D’autres études, la plupart de petite envergure, ont révélé des cas de PSN falsifiés ou contaminés par des métaux lourds (par exemple, le plomb, l’arsenic ou le mercure), des produits chimiques, des résidus d’espèces végétales toxiques ou d’animaux en voie d’extinction, des médicaments d’ordonnance ou des microorganismes, résumait l’Institut national de santé publique (INSPQ) en 2017.
Tout dépendant des études, la fréquence des erreurs d’étiquetage des produits à base de plantes a été estimée entre 24 %, dans une étude taïwanaise publiée en 1997, et 50 %, dans une étude australienne de 2015 qui relevait la présence de produits pharmaceutiques ou d’ADN d’espèces végétales ou animales absentes des listes d’ingrédients. Cette dernière étude allait jusqu’à dire que 92 % des 26 produits de la médecine « traditionnelle » chinoise analysés (tous offerts en magasin en Australie du Sud ou sur le marché mondial) présentaient une forme de « contamination ou de substitution ».
Plusieurs des substituts trouvés dans ces études sont connus pour leur toxicité, leurs effets secondaires, leur risque pour les personnes allergiques ou leurs interactions indésirables avec d’autres plantes, suppléments et médicaments.
Rappel de produits
Les cas de contaminations peuvent mener à des rappels. Ainsi, en février 2016, Santé Canada a rappelé les produits Forta for Men susceptibles de contenir des médicaments non déclarés associés à de graves risques pour la santé, comme le sildénafil et le tadalafil, les noms génériques du Viagra et du Cialis. Les produits affichaient pourtant un NPN.
Aux États-Unis, Walmart, Walgreens, Target et GNC, ont été accusés d’avoir vendu des PSN frauduleux en février 2015. Les tests ont montré que des produits de marque maison étiquetés comme étant du ginseng, du ginkgo biloba et de la racine de valériane, ne contenaient pas de trace d’ADN de ces plantes, mais plutôt des résidus d’ail, de riz et de plantes d’intérieur. D’autres contenaient des substances dangereuses pour les personnes allergiques, comme des traces d’arachides et de soya, qui auraient dû être inscrites sur les emballages. Au Canada, les produits ont été rappelés en septembre 2015.
Un encadrement déficient?
Santé Canada exige que les fabricants vérifient que leurs PSN sont sûrs et correctement étiquetés. Mais le système fonctionne essentiellement sur la bonne foi. Dans un rapport publié en avril 2021, le bureau du Vérificateur général du Canada reproche à Santé Canada de ne pas avoir « surveillé l’information qui figure sur les étiquettes des PSN pour vérifier si les produits correspondaient bien à la description sur l’étiquette ou s’ils avaient été homologués pour la vente ». Le Ministère se fiait en effet aux attestations des fabricants selon lesquelles ceux-ci appliquaient les bonnes pratiques, qui consistent uniquement à garantir que les PSN :
- contiennent les bons ingrédients médicinaux au bon dosage;
- sont exempts de toute contamination microbienne et chimique;
- restent actifs et stables jusqu’à leur date d’expiration;
- sont fabriqués par du personnel qualifié à l’aide d’équipement dans des établissements qui suivent de bonnes pratiques d’hygiène.
Verdict
Comme il est impossible d’analyser le contenu des produits de santé naturels avant de les acheter, le numéro de produit naturel (NPN) reste la seule façon de les évaluer. Le consommateur doit cependant retenir que cette homologation ne garantit pas que tous les ingrédients sont indiqués sur l’emballage. Mieux vaut consulter son pharmacien ou son médecin avant de consommer ces produits.