Le film Arrival, du Québécois Denis Villeneuve, qui sort en salles en novembre, contient une prémisse qui fascine — ou horripile — les auteurs de science-fiction depuis que la science-fiction existe. Comment communiquer avec une civilisation extraterrestre qui n’a strictement rien en commun avec nous?
Le film propose ainsi comme personnage principal une linguiste (l’actrice Amy Adams), une spécialité à laquelle lecteurs et téléspectateurs ont rarement été confrontés. La série Star Trek, par exemple, s’en sort depuis des décennies avec la pirouette d’un « traducteur universel », une technologie jamais expliquée, mais qui fait de l’anglais une langue intergalactique. Une prémisse par ailleurs courante en science-fiction, chaque fois que les auteurs ont voulu s’éviter de complexifier leur récit.
L’idée que la science puisse être ce « langage » commun est venue assez tôt. La vitesse de la lumière est la même partout dans l’univers et, quelle que ce soit la planète, le rapport de la circonférence d’un cercle par rapport à son diamètre donnera toujours 3,1416. Le film Rencontre du troisième type, en 1977, imaginait donc que la musique puisse servir à « traduire » des concepts scientifiques.
L’astronome et vulgarisateur Carl Sagan, dans le roman qui, en 1985, allait inspirer le film Contact, était allé plus loin : un manuel d’instruction pour construire une « machine », décodé grâce au langage des maths et de la science. Comme l’expliquait l’un des personnages :
« Ça marche un peu comme ça : ils comptent tout d’abord des chiffres pour nous, puis ils introduisent des termes nouveaux, des termes que nous ne connaissons pas. Tenez, je vais vous indiquer leurs mots par des lettres. Voici à peu près ce que nous lisons :
1A1B2Z
1A2B3Z
1A7B8Z
D’après vous, de quoi s’agit-il ? (…)
— Euh… A signifie “plus” et B signifie “égal”. Est-ce bien ça ?
— Excellent. Mais nous ne comprenons toujours pas ce que veut dire Z, n’est-ce pas? Maintenant, si je vous propose quelque chose comme cela :
1A2B4Y
— D’accord, je crois que j’ai saisi. Z veut dire que c’est vrai, Y que c’est faux.
— Avec quelques lignes de texte, ils nous ont déjà appris quatre termes joliment utiles. Ensuite, ils nous apprennent la division. En divisant un par zéro, ils nous donnent le mot pour infinité. (…) Ils nous présentent une table périodique des éléments, ce qui permet de nommer tous les éléments chimiques, l’atome, le noyau, le proton, l’électron… »
Mais qu’en serait-il pour partager des concepts philosophiques ou des préoccupations sociales, au-delà du langage scientifique? C’est là qu’interviendraient peut-être les linguistes, spécule le film Arrival.
À titre de « précédent », on cite le linguiste américain Paul Frommer, qui a « créé » le langage des Na’vis dans le film Avatar. Ou son collègue Daniel Everett, qui a été confronté à une tâche autrement plus difficile : 30 ans pour apprendre le langage des Pirahã, une tribu de 300 personnes vivant en isolement dans la forêt amazonienne. Leur langage n’a non seulement pas de langue intermédiaire connue (ni le portugais ni aucune langue autochtone), mais surtout, ils n’auraient apparemment pas de mots pour des concepts tels que les couleurs, le passé ou le futur.
Cette dernière idée reste controversée parce qu’elle remet en question une partie de la thèse du célèbre linguiste Noam Chomsky, selon laquelle il existerait une grammaire commune à toutes les langues humaines : les enfants posséderaient cette grammaire en eux, dès la naissance. Mais vraie ou fausse, cette idée rappelle le gouffre qui se présenterait devant une culture extraterrestre.
Arrival est inspiré d’une nouvelle de science-fiction, Story of Your Life (1999), par Ted Chiang, qui a remporté plusieurs récompenses, où la façon de procéder de la linguiste s’appuie sur les travaux de Kenneth Pike, qui fut justement le professeur de Daniel Everett.
C’est que pour comprendre la langue des Pirahã, il faut aussi comprendre leur culture, explique Everett au Scientific American. « Il y a toutes sortes d’interprétations culturelles des phrases les plus simples. C’est pourquoi la conversation est si difficile », spécialement pour deux personnes qui n’ont ni la même langue maternelle ni la même culture. Une coopération entre les deux parties est essentielle, parce que des malentendus sont inévitables. Certains sont insultants pour l’un des deux interlocuteurs, d’autres peuvent mettre en danger la vie d’un explorateur. « Vous allez toujours vous fourvoyer, poursuit Everett. L’important n’est pas ce que vous faites, mais ce que vous faites ensuite. Comment réagissez-vous à vos erreurs, vos gaffes et aux méprises? »
Un commentaire
Prémisse et prémices ??
Un lecteur très perturbé par l’absence de seconde proposition :-))
Pour rappel :
Source : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=2221
Prémisse et prémices sont des homophones, c’est-à-dire des mots de même prononciation mais n’ayant pas le même sens.
Prémices est un nom féminin toujours employé au pluriel. Il désigne le début, le commencement de quelque chose. Il est parfois aussi utilisé pour désigner, dans l’Antiquité, les premiers produits de la terre, du bétail, destinés à être offerts aux dieux.
Exemples :
– Les prémices du printemps se firent sentir dans la tiédeur du temps.
– Ce laisser-aller constant annonçait les prémices de la catastrophe.
– Un anthropologue a découvert que dans certaines campagnes italiennes l’on offrait encore les prémices aux dieux.
Prémisse est un nom féminin qui désigne une proposition faite au début d’un exposé, dont on déduira des conséquences ou des conclusions. Dans le domaine de la logique, la prémisse constitue chacune des deux premières propositions d’un syllogisme.
Exemples :
– Dès le début de son discours, j’étais en désaccord avec ses prémisses.
– Il accumulait les prémisses sans jamais conclure ses syllogismes.