Il était un microbiologiste célèbre bien avant la pandémie. Il est adulé par certains, en France et ailleurs. Et pourtant, à plusieurs reprises depuis 16 mois, il a tenu des propos douteux ou carrément faux — et ce, indépendamment de ses deux études sur l’hydroxychloroquine dont les résultats sont toujours controversés. Le Détecteur de rumeurs propose un survol de quelques-unes des déclarations de Didier Raoult.
Plusieurs personnes ont pris sa défense depuis le début de 2020 en alléguant qu’il a derrière lui une carrière prestigieuse et qu’il est un expert en maladies infectieuses. Ce qui est vrai. Mais l’expertise n’empêche pas quelqu’un de se tromper: même des Prix Nobel en ont fait la preuve.
1) Le coronavirus aura moins tué que les trottinettes? Faux
Dans une vidéo diffusée sur le site de l’Institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille (IHU) le 17 février 2020, Didier Raoult, qui en est le directeur, affirmait avec assurance, à propos de l’épidémie commencée à Wuhan sept semaines plus tôt et qui atteignait à présent une quinzaine de pays : «beaucoup de bruit pour pas grand-chose». La vidéo était intitulée « Coronavirus : moins de morts que par accidents de trottinette ».
2) Le virus « va disparaître » au printemps 2020?
Dans cette même vidéo, Raoult y allait aussi d’un coup de chapeau à Donald Trump. « La chose la plus intelligente qui a été dite, c’est par Trump, qui a dit ‘au printemps ça va disparaître’ parce que c’est vrai que la plupart des infections virales saisonnières disparaît au printemps. »
3) Sortie de crise en février 2020?
C’est dans une autre vidéo de l’IHU, le 25 février 2020, que Didier Raoult a parlé pour la première fois de la chloroquine. Il y faisait référence à une publication scientifique parue une semaine plus tôt (le 18 février) mais qu’il présentait comme « un scoop de dernière minute ». Des chercheurs chinois auraient découvert qu’une molécule, la chloroquine, était efficace contre le coronavirus. « C’est probablement l’infection respiratoire la plus facile à traiter de toutes », disait-il.
Le titre original de la vidéo était « Coronavirus, fin de partie », il a été plus tard modifié en un plus prudent « Coronavirus, vers une sortie de crise? »
4) Les chercheurs chinois ont vu une amélioration spectaculaire? Faux
Dans cette vidéo, il affirmait que l’étude chinoise avait conclu à une « amélioration spectaculaire » grâce à la chloroquine. Or, les mots « amélioration spectaculaire » ne figurent nulle part dans le court texte (une page) des chercheurs chinois. Ils parlent plutôt d’une « efficacité apparente ainsi qu’une innocuité acceptable ».
De plus, le texte ne comportait aucun chiffre sur l’amélioration (ou non) de l’état de la centaine de patients. Et il s’agissait évidemment d’une publication non encore révisée par les pairs.
5) Pas de problèmes de toxicité? Faux
Toujours dans cette vidéo du 25 février, Didier Raoult affirmait que la chloroquine était une molécule «sans problème de toxicité». Or, sa toxicité est établie depuis les années 1940, avec des risques de complications cardiaques.
Devant ceux qui, en réaction à ses propos, en appelaient à la prudence avant de sauter aussi vite aux conclusions, il réagissait le lendemain, 26 février, dans une interview à 20 minutes : «Les ragots des uns et des autres, je m’en fous. Quand (…) tout le monde est en train de faire une crise de nerfs, et qu’il y a des andouilles qui disent qu’on n’est pas sûr que ça marche, ça ne m’intéresse pas !»
6) Ça m’étonnerait qu’on arrive à 10 000 morts
Dans une entrevue accordée au quotidien La Provence, publié le 21 mars 2020, il déclarait, à propos de la France: « Là, on en est à moins de 500 [morts]. On va voir si on arrive à en tuer 10 000, mais ça m’étonnerait. »
Deux semaines plus tard, le 7 avril, le nombre de décès liés à la Covid-19 en France dépassait les 10 000.
L’entretien était intitulé « Je ne suis pas un outsider, je suis en avance ».
7) Le virus va disparaître au printemps (bis)
Dans une vidéo de l’IHU mise en ligne le 14 avril, il réitérait qu’il « est possible (…) que l’épidémie disparaisse au printemps et que d’ici quelques semaines, il n’y ait plus de cas ».
8) Il n’y aura pas de vaccin
« Honnêtement la chance qu’un vaccin pour une maladie émergente devienne un outil de santé publique est proche de zéro » déclarait-il le 9 mai 2020 au magazine Paris Match.
9) Il n’y aura pas de 2e vague
Sur BFMTV le 30 avril 2020, il affirmait, à propos d’un retour potentiel de l’épidémie : « c’est de la science-fiction. J’ai l’opinion que sur des infections respiratoires dans lesquelles il y a des secondes vagues, il n’y en a pas. Donc je ne vois pas pourquoi il y en aurait pour celle-là. »
Ce qui est historiquement faux, puisqu’une deuxième vague fut observée lors de la pandémie de grippe espagnole en 1918-1919 (et même une troisième). La deuxième avait été plus meurtrière que la première. D’autres pandémies ont connu des secondes vagues au 20e siècle.
10) Il n’y a pas de 2e vague
Dans une vidéo du 12 mai de l’IHU: « On voit que cet épisode est en train de se résoudre et qu’il n’y a nulle part de deuxième vague… L’épidémie est en train de se terminer. »
11) Je n’ai jamais prononcé les mots « 2e vague »
Convoqué par la commission d’enquête Covid-19 de l’Assemblée nationale française, le microbiologiste déclarait le 24 juin 2020: « je n’ai jamais prononcé les mots deuxième vague ».
12) Ceci n’est pas une 2e vague
Le 24 septembre, dans un courrier au président de la commission médicale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, Didier Raoult reprochait à ses confrères de diffuser « des messages alarmistes ». À ce moment, les contaminations étaient en forte hausse à Marseille, tout comme le taux d’occupation des lits en réanimation. Raoult affirmait que cette évolution « ne témoigne pas d’un flux particulier ».
Précisons qu’en France, les experts prévenaient depuis juillet qu’une deuxième vague était probable. La courbe avait commencé à remonter vers le haut en août. Début septembre, juste avant la lettre de Raoult, le nombre de cas avait doublé en deux semaines.
13) Je ne peux pas m’exprimer sur la seconde vague
Dans une entrevue publiée le 9 octobre par le quotidien Midi Libre, il déclarait: « Je ne peux m’exprimer sur la seconde vague, je ne sais pas ce que c’est ».
14) 20% moins de morts? Faux
Pendant son intervention du 24 juin devant les députés, il avait également affirmé : « On rapporte 4500 personnes qui ont été hospitalisées à Paris et [on] voit qu’il y a 20% de moins de morts avec l’hydroxychloroquine. »
Or, l’affirmation était déjà douteuse en juin 2020: aucune étude ne permettait à ce moment d’affirmer que l’hydroxychloroquine avait un impact aussi puissant. Depuis, plus d’une centaine d’études à travers le monde sont arrivées à des résultats au mieux mitigés (elles sont incapables de démontrer si le médicament a un impact supérieur au placebo), au pire négatifs.
15) Anthony Fauci a vanté l’hydroxychlooquine? Faux
Dans le pseudo-documentaire Hold Up, mis en ligne le 11 novembre, Raoult affirme que « ceux qui ont les premiers parlé de l’hydroxychloroquine dans le coronavirus, c’est pour le SRAS [syndrome respiratoire aigu sévère, en 2005], c’est Anthony Fauci, quand même. Il le dit plus, mais à l’époque, il disait, pour le SRAS le meilleur traitement de tous est l’hydroxychloroquine ».
Cette affirmation est fausse. L’Agence France-Presse avait établi, en août 2020, qu’il s’agissait d’une fausse nouvelle qui avait circulé au cours des semaines précédentes. L’hydroxychloroquine n’avait pas été testée chez des patients atteints du SRAS, et des études sur des souris n’ont pas montré d’efficacité.
16) Les vaccins: de la science-fiction
Le 18 novembre, Didier Raoult affirmait à l’animateur Jean-Marc Morandini : « Il n’y a pas de vaccin aujourd’hui, c’est de la science fiction! »
Le 7 décembre, il répétait sur CNews que les vaccins contre le Covid-19 relèvent de la « science-fiction ».
17) Je n’ai pas pas d’opinion
Dans l’entretien à La Provence cité plus tôt, il déclarait aussi: « Les seules données qui m’intéressent, ce sont les données d’observation, je n’ai pas d’opinion ».
Dans une entrevue accordée à Stéphan Bureau, à Radio-Canada le 26 mai 2021, il affirmait: « je suis très factuel ».