À l’approche du Brexit, les « séparatistes » se sont fait accuser de racisme de sorte qu’un vote pour la séparation du Royaume-Uni de l’Union européenne ( UE ) équivaudrait à un vote pour l’extrême-droite, présente en France et en Allemagne. Le journaliste et auteur Paul Mason ne nie pas la colère des Britanniques et en explique les raisons dans Le Monde diplomatique du mois d’août.
Au début des années 1980, la première ministre britannique Margaret Thatcher a appliqué un néolibéralisme expérimental en menant une politique qui a transformé une récession en effondrement industriel et social afin de nuire à la cohésion des groupes ouvriers. Pendant les années 1990 et 2000, le recours au crédit a servi à combler l’écart entre les revenus stagnants et la croissance économique comme partout en Occident, affirme le journaliste.
La carte des résultats du Brexit démontre que ce sont les villes et les villages pauvres d’Angleterre et du Pays de Galles qui ont préféré sortir de l’UE. La crise financière de 2008, conséquence du néolibéralisme, a assombri l’avenir des jeunes lourdement endettés, mais le facteur déterminant de la révolte conduisant au Brexit est autre, soutient le journaliste.
En janvier 2004, quand huit pays d’Europe de l’Est ont intégré l’UE, le gouvernement du premier ministre du Royaume-Uni Tony Blair n’a imposé aucune restriction temporaire. Un ministre travailliste prédisait avec assurance que pas plus de 30 000 migrants ne viendraient. Cependant, le recours à une main-d’œuvre européenne moins payée et connaissant moins ses droits a été organisé. Aujourd’hui, des trois millions d’immigrants en provenance de l’UE qui vivent au Royaume-Uni, les deux tiers ont un emploi.
Malgré l’augmentation d’un profond ressentiment dans la population, observé par les journalistes, le gouvernement a refusé de prendre des mesures pour décourager l’immigration d’Européens au niveau microéconomique, poursuit le journaliste. Lors des négociations avec l’UE en février dans la perspective du Brexit, le premier ministre du Royaume-Uni David Cameron n’a pas demandé formellement des aménagements aux règles de la libre circulation à l’intérieur de l’UE.
À la suite du meurtre de la députée britannique Jo Cox le 16 juin, le camp europhobe a lancé un message clair à la population : quitter l’Europe et maîtriser l’immigration, ou rester et subir une immigration illimitée, une baisse des salaires et des tensions culturelles, rapporte le journaliste.
Bouc émissaire
Qu’il aborde le thème de la construction du mur à la frontière, de la déportation des immigrants illégaux ou de la diplomatie entre les deux pays au point d’humilier publiquement le président du Mexique Enrique Peña Nieto, le candidat républicain Donald Trump a décidé de faire des Mexicains son bouc émissaire depuis le début de la campagne électorale.
Pourtant, les Mexicains sont travaillants. Il s’agit du peuple qui travaille le plus d’heures par années, d’après l’Organisation de coopération et de développement économique ( OCDE ) en 2015. Par contre, il s’agit du peuple le moins bien rémunéré tenant compte du salaire moyen, d’après l’OCDE en 2013. Cette main-d’œuvre bon marché favorise la relocalisation d’entreprise en son sol comme General Motors ( GM ), et ce contexte favorise le maintien des opérations du géant Coca-Cola, par exemple. De plus, les Mexicains vivant aux États-Unis participent à l’économie. Les trois villes où on compte le plus de résidents d’origine mexicaine sont Los Angeles à 1 751 000, Chicago à 677 000 et Houston à 599 000, d’après un sondage mené de 2008 à 2012 publié par The Atlantic en 2014.
À l’ombre des coups de théâtre du candidat républicain, la candidate démocrate Hillary Clinton ne semble pas plus encline à aider les citoyens qui travaillent selon l’adage « mucho trabajo, poco dinero » ( plus pour moins ). Le directeur du Harper’s Magazine, John R. MacArthur trace son parcours dans le Monde diplomatique du mois d’août. La candidate a travaillé pour le cabinet d’avocat Rose de 1977 à 1992, une incarnation de la collusion entre establishment politique et milieux d’affaires de l’Arkansas, schématise-t-il. Se spécialisant dans la question des brevets et de la propriété intellectuelle, l’un de ses clients était Walmart. La chaîne de grands magasins qui vend des produits fabriqués à bas coûts dans des pays où la main-d’œuvre est corvéable, soutient-il.
Lors de la fête nationale française le 14 juillet 2015, le président François Hollande avait fait du Mexique son hôte. Surprenant plus d’un, doit-on voir dans cette invitation symbolique que travailler plus d’heures contre un salaire moindre serait l’idéal pour les tenants de la « loi Macron »?