Lumière: voilà probablement le mot qui vient d’abord en tête en visitant Les impermanents, l’exposition de l’artiste visuel Yann Pocreau présentée au Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) jusqu’au 1er août. Lumière dans une exploration de l’impact de ces photons sur nos rétines, d’une façon ou d’une autre.
D’une façon qui pourrait paraître presque paradoxale, à certains égards, cette exposition est présentée dans un ensemble de salles à l’éclairage presque terne. Pas de point de vue sur l’extérieur, si ce n’est via la porte qui clôt la galerie, à l’instar de bien d’autres expositions, mais aussi des lumières tamisées. La raison en est fort simple: sur l’un des murs de la salle, M. Pocreau a installé des tirages photographiques dont certains ne sont pas traités pour résister aussi bien à la lumière. De fait, confie l’artiste dans le cadre d’une visite organisée par le Musée, certaines des images déjà diaphanes disparaîtront avec le temps, jusqu’à n’être presque plus visibles, voire carrément impossibles à distinguer des zones colorées contigües de ces diptyques.
Si cette oeuvre de grande taille est probablement la plus « performative » du lot, avec ces images qui sont appelées à disparaître d’ici la fin de l’exposition, l’ensemble de la présentation de l’artiste s’appuie sur cette réflexion par rapport à l’image, à la lumière. Des anciennes photos dévorées par le temps aux rayons de soleil, représentés par des barres de laiton, qui semblent traverser la pièce, en passant par des constellations qui illuminent des portraits de gens décédés depuis belle lurette, Yann Pocreau semble non seulement s’amuser à jouer sur ce qui traverse notre rétine pour atteindre le fond de nos yeux, envoyant du même coup un stimulus visuel à notre cerveau, mais aussi à insister sur le fait qu’en fin de compte, rien n’est permanent.
Et c’est bien vrai: le papier photographique finira par se noircir, avant de se désagréger. Même restaurées, les toiles disparaîtront elles aussi. Quant au Soleil, sa mort lente entrera dans une nouvelle phase d’ici quelques milliards d’années, engouffrant notre planète dans son expansion inéluctable. La solution consiste-t-elle, alors, à tout stocker en format numérique, puis à expédier les signaux dans l’espace profond, à défaut de les embarquer à bord de gigantesques vaisseaux spatiaux dans le cadre d’une éventuelle expansion de l’espèce humaine vers les étoiles?
Si l’idée de cette grande odyssée galactique dépasse le cadre de l’exposition, il ne fait aucun doute que Yann Pocreau cherche à casser un moule: celui, sans doute, de l’idée de conservation à tout prix de ce qui forme notre société. D’où le titre de l’exposition, forcément. Et la réflexion déclenchée par l’artiste sur cette éventuelle disparition des biens tangibles et la nécessité du renouveau, évidemment entamée avant la pandémie, est encore plus d’actualité, alors qu’il faut plus que jamais repenser l’ensemble de notre société.