Habituellement, le blocage créatif, la panique papelarde et la paralysie romancière, sont plutôt l’apanage de l’auteure qui a connu un premier succès, de l’écrivain qui a vendu plus d’exemplaires que prévu. Face à la réussite inattendue et à la pression de l’éditeur, voilà que surgit l’angoisse de la page blanche. Enfin, c’est ce qu’on se plaît à montrer dans les films.
Dans Le malaimant, cinquième ouvrage de Michèle Vinet, qui est publié chez L’Interligne, tout va de travers pour le pauvre Aurel. Dans le but de décrire, de raconter, de magnifier et d’immortaliser le superbe amour qu’il croit vivre avec Blanche, il s’achète un cahier « blanc » et tente l’expérience de la plume pour une première fois. Mais voilà qu’il bute, qu’il hésite, qu’il paralyse, non seulement devant la page blanche, mais devant le cahier blanc au complet. Quelle puissance, tout de même dans une simple feuille de papier ! Ce cahier devient son boulet et finit par prendre toute la place dans sa vie, en commençant par la place de Blanche.
Pour surmonter sa déchéance, Aurel sollicitera l’aide et le soutien de tout ce qui s’approche de près ou de loin d’un guérisseur : rebouteux, médecin, chaman. Mais quel mal souhaite-t-il guérir? L’incapacité à écrire ou la peur de l’engagement ? Devra-t-il aller jusqu’aux enfers pour libérer sa main gauche et noircir enfin les pages de ce maudit cahier ?
Si on devait classer ce roman dans une catégorie, peut-être parlerait-on de poésie initiatique. C’est au plus profond de lui-même et jusqu’au bout de ses forces qu’ira notre héros dans un décor propice au rêve et à l’évasion.
Avec un vocabulaire chatoyant et une savoureuse panoplie de mot-valise et de néologismes, Vinet nous raconte la forêt, les saisons, Blanche, Aurel, le médecin épicurien, le rebouteux vieillissant, le chamane insaisissable et Cadet-Roussel, le chat. Laissez-vous emporter.