La guerre des nerfs se poursuit en Australie, alors que le réseau social Facebook bloque depuis maintenant deux jours tous les contenus des médias australiens sur ses pages, et empêche également ses utilisateurs vivant dans le pays de consulter quelque contenu journalistique que ce soit. Dans cet affrontement, plusieurs centaines de pages, y compris certaines luttant contre la désinformation, demeurent bloquées.
Selon ce que rapporte The Guardian, il faudrait jusqu’à une semaine pour déverrouiller ces pages d’organisations non médiatiques qui sont toujours accessibles, certes, mais où il est impossible de consulter quelque contenu que ce soit.
Au dire du quotidien britannique, Facebook rejette la responsabilité de cette erreur sur le gouvernement australien et sa définition large de ce qui constitue des « nouvelles ». Et pendant que ces pages sont bloquées, les réseaux répandant des fausses nouvelles tournent à plein régime.
Au coeur de cet affrontement entre Facebook et Canberra, on trouve un projet de loi, qui chemine actuellement au Parlement australien, et qui forcerait Facebook à verser des redevances aux médias lorsque leurs contenus sont publiés sur le réseau social. Dans un billet publié plus tôt, cette semaine, l’entreprise américaine a soutenu que « le projet de loi interprète fondamentalement mal la relation entre notre plateforme et les médias qui l’utilisent pour partager des contenus d’information ».
« Cela nous a forcé à prendre une décision difficile: choisir entre respecter une loi qui ignore les réalités de cette relation, ou cesser de permettre le partage de contenus d’information sur notre site australien. Le coeur lourd, nous avons choisi la deuxième option. »
Toujours selon le Guardian, la firme Nielsen, qui évalue l’audimat et le lectorat, a fait savoir que le blocage institué par Facebook avait entraîné, jeudi, une baisse de 16% du nombre de visites sur les sites d’information du pays par rapport à la semaine précédente, et que ces visites étaient en moyenne 14% plus courtes.
Comme l’indique Nielsen, 22% du lectorat des médias australiens, en 2020, provenait du contenu partagé sur Facebook.
Devant l’adversité, toutefois, le milieu politique australien fait front commun. Selon ce qu’a rapporté l’Australian Broadcasting Corporation (ABC), autant le premier ministre Scott Morrison que le chef de l’opposition, Anthony Albanese, ont dénoncé le geste de Facebook. Et même la toute-puissante entreprise médiatique News Corp., propriété de la famille Murdoch, a appelé le gouvernement à aller de l’avant avec son projet de loi. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que News Corp. vient tout juste de conclure une entente avec Google pour que cet autre géant américain verse des redevances au groupe de presse.
ABC a aussi invité ses lecteurs, auditeurs et téléspectateurs à contourner le blocage de Facebook en téléchargeant l’application mobile du réseau. Celle-ci est devenue la plus téléchargée du pays… devant cinq applications appartenant à Facebook, et une sixième, Snapchat, que Facebook a cherché à acheter.
Cet affrontement entre Facebook et l’Australie est suivi de près ailleurs dans le monde, y compris au Canada, où le gouvernement fédéral envisage lui aussi de forcer les géants du web à verser des redevances aux médias.