Il y a quelque chose de pourri, à Chicago. Dans l’ensemble des États-Unis, sans doute, mais en pleine période de troubles sociaux et raciaux, la Ville des vents est particulièrement ébranlée, et la communauté noire est plus que jamais visée par des actes violents, en plus d’être touchée par la misère. C’est dans ce contexte que le détective Smokey Dalton se fera justice lui-même.
Plus récent épisode des aventures policières signées par l’auteure Kris Nelscott, Justice de rue, parue aux éditions L’Aube noire, raconte les premiers jours de l’année 1970, quand Chicago est presque littéralement prise dans les glaces, et que le procès des « 7 de Chicago », des militants noirs, se poursuit.
Alerté par son fils adoptif, Jimmy, Smokey découvre que sa nièce, Lacey, a été violemment agressée et violée dans un hôtel miteux situé tout près de son école primaire. Désireux de prendre les choses en main et de « corriger » le problème, Dalton découvrira rapidement qu’il s’agit non pas « uniquement » d’un homme cherchant à violer des femmes, voire de jeunes filles, mais de tout un réseau de prostitution qui provoque la disparition régulière d’adolescentes, qui sont alors « formées » et forcées ensuite de vendre leurs corps jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Quand on vous disait que la vie est dure pour les Noirs, à Chicago… Mais elle est aussi particulièrement dure pour notre personnage principal, qui vient à peine de résoudre le mystère d’une série de cadavres retrouvés dans un vieil immeuble à logements, et qui doit donc absorber le choc de voir sa « nièce » être violée et violemment attaquée alors qu’elle n’a que 13 ans, et rêve seulement d’une vie meilleure, loin du quartier noir miséreux et cruel de Chicago.
On peut pratiquement en venir à se demander si Mme Nelscott n’a pas un petit côté sadique; en fait, il est possible de douter que la réalité des Noirs de l’époque était parfois bien pire, mais à voir Smokey tenter désespérément de combattre non pas « seulement » du racisme, ou encore de la violence de tous les jours, mais carrément de l’exploitation sexuelle de mineures, tout en devant ménager les susceptibilités de gangs de rue, l’existence du détective n’est clairement pas de tout repos.
Les précédents épisodes de la série l’auront prouvé: l’écriture de Mme Nelscott vient des tripes. Oui, le personnage principal tente par tous les moyens de respecter ses propres valeurs morales fondamentales, mais quand sa vie est en danger, ou quand la sécurité de ses proches est menacée, Smokey Dalton n’hésite pas à franchir la proverbiale ligne, si l’on peut dire, pour atteindre ses objectifs.
Est-ce une bonne chose? Une mauvaise? Impossible de déterminer avec précision; après tout, les personnages complètement moraux ou complètement amoraux sont ennuyants. Et ne vivent pas longtemps, généralement. Ils sont soit rapidement éconduits, soit ils disparaissent. Y compris à Chicago, en 1970.
Justice de rue est donc une nouvelle étape bien intéressante des aventures de Smokey Dalton, et une autre preuve de la qualité de l’écriture de Mme Nelscott. Il ne faut tout simplement pas s’attendre à ce que ce nouveau roman permettre de se détendre…