Qui aurait crû qu’un film mettant en vedette Aubrey Plaza, une actrice connue pour ses idées parfois tordues, ne serait pas lui-même étrange, surprenant, voire dérangeant? Véritable plongée déstabilisante dans une psyché qui l’est tout autant, Black Bear vient autant décontenancer le public qu’il le laisse un peu sur sa faim.
Dans une magnifique maison sise quelque part dans les montagnes Adirondack, Plaza, qui joue une jeune cinéaste à la recherche d’inspiration pour son prochain film, est hébergé par un couple qui a fui la ville et, semble-t-il, les problèmes qui y sont rattachés.
Rapidement, cependant, ces problèmes semblent remonter à la surface. Devant une Aubrey Plaza stupéfiée, ou plutôt discrètement amusée, le couple se déchire. L’homme veut-il vraiment de l’enfant qu’attend le couple? La femme est-elle vraiment heureuse avec celui qu’elle qualifie de « cochon misogyne »? Pire encore, Plaza encourage-t-elle cette lente destruction?
Aux premiers échanges, on pourrait croire qu’il s’agit d’un film calqué sur le vaudeville, tant les déclarations peuvent paraître monstrueuses, voire gigantesquement exagérées. Mais si tel est le cas, n’aurions-nous pas plutôt affaire à une comédie? Pourtant, ici, on s’enfonce peu à peu dans le drame, et à défaut d’avoir un amour particulièrement vorace pour l’humour noir, on trouvera bien peu à rire dans ces échanges, malgré leur côté incroyable.
La jeune réalisatrice et scénariste est-elle en train d’imaginer, tout simplement, comment se déroulerait son prochain film? Et quid de cet ours noir, qui revient à quelques occasions au cours du film, et qui donne vraisemblablement son nom à l’entièreté de l’oeuvre?
Autant responsable du scénario que de la réalisation de ce long-métrage, Lawrence Michael Levine, dont le parcours professionnel semble justement consister en des projets relativement similaires, où la comédie et le drame s’entrelacent, propose ici une aventure cinématographique qui détonne avec les propositions habituelles. Bien entendu, nous traversons une époque franchement différente, un moment dans le temps où des films comme Black Bear, qui seraient généralement confinés aux petits festivals, ont ici l’occasion d’obtenir davantage de visibilité.
Après tout, les grands studios font la course pour reporter leurs projets, ce qui laisse amplement d’espace aux films plus audacieux, fort heureusement. Et Black Bear fait certainement partie de cette courte liste de longs-métrages qui tentent de casser le moule traditionnel.
Loin d’être parfait, le film n’en est pas moins délicieusement étrange et assez déstabilisant pour nous sortir de cette torpeur provoquée par la pandémie. Un fait d’armes assez rare pour qu’il en soit fait mention.