Le groupe armé État islamique, al-Qaïda et les talibans utilisent des magazines de langue anglaise pour encourager des femmes à soutenir le djihad, la croisade sainte contre les « mécréants » occidentaux, de différentes manières, selon une nouvelle étude.
Les experts espèrent que le fait de mettre de l’avant ces diverses stratégies de recrutement permettra d’aider à stopper la radicalisation et le terrorisme.
Les magazines publiés par les talibans encouragent les femmes à occuper des rôles traditionnels à la maison et à soutenir leur conjoint, plutôt que de s’adonner elles-mêmes à la violence et à participer au djihad. La branche pakistanaise des talibans (TTP) et l’État islamique encouragent quant à eux les femmes à commettre des actes violents et à prendre les armes. Leurs magazines poussent les femmes à laisser leur conjoint s’ils n’appuient pas le djihad, même sans permission.
Des chercheurs de l’Université d’Exeter, au Royaume-Uni, ont analysé 68 magazines prodjihad publiés par l’État islamique, le TPP, al-Qaïda et les talibans, en classant les thèmes et les messages trouvés pour tenter d’en déterminer la fréquence de publication.
Leurs travaux sont publiés dans Small Wars & Insurgencies.
Les scientifiques se sont penchés sur 68 magazines publiés entre 2013 et 2020. Les talibans n’ont pas publié de tels magazines en anglais depuis 2015. L’État islamique (EI) a cessé de publier en 2017, mais un magazine a de nouveau été publié en 2020. Al-Qaïda a lui aussi cessé de publier en 2017, mais a recommencé en 2019, puis en 2020.
Ces magazines sont destinés aux musulmans vivant en Occident et sont publiés en ligne, mais sont généralement rapidement mis hors-ligne par les forces de sécurité d’un peu partout dans le monde.
Selon la Dre Weeda Mehran, qui a dirigé l’étude, « les travaux démontrent que les magazines sont conçus pour recruter des femmes en faisant appel à leur rôle dans la communauté et au sein de leur famille. Les magazines talibans font croire aux femmes qu’elles ont été victimisées, et que les hommes devraient rejoindre le djihad pour les protéger. L’EI dépeint les femmes comme un modèle idéal qui doit être imité, ou comme l’ennemi. Ces stratégies sont adaptées pour attirer des femmes au sein du groupe.
« Autant l’EI que le TPP sont davantage portés que les talibans et al-Qaïda à encourager les femmes à se joindre aux combats. L’EI veut même aller jusqu’à encourager les femmes mariées à quitter leur conjoint pour joindre le Califat, si le mari refuse de prendre les armes », dit la Dre Mehran.
« Ces différentes stratégies s’expliquent par le fait que l’EI veut que des femmes de l’étranger viennent rejoindre le califat, alors ils se concentrent moins sur les valeurs locales. Cela veut dire qu’ils s’éloignent des valeurs traditionnelles pour encourager les femmes à quitter leur maison, leur communauté et leur famille. Les talibans se concentrent davantage sur les régions locales, et n’encouragent donc pas les femmes étrangères à les rejoindre. Cela doit être inclus dans les démarches de lutte à la radicalisation, histoire que cela soit aussi bien ciblé que possible. »
Les femmes contre les femmes
Tous les magazines font s’affronter les femmes ayant rejoint le djihad et les « autres » femmes musulmanes et les femmes « ennemies », celles qui croient à l’égalité des genres, travaillent dans le domaine de la sécurité pour des gouvernements, ou encore ne portent pas le hijab et rejettent la polygamie.
Au cours de la dernière décennie, on a recensé une hausse des attentats suicides commis par des femmes au nom d’organisations djihadistes violentes, notamment les rebelles tchétchènes, la Brigade des martyrs al-Aqsa, le djihad islamique palestinien, le Hamas, al-Qaïda et l’EI.
Toujours au dire de la Dre Mehran, « ces groupes utilisent une variété de thèmes pour persuader les femmes de s’engager dans le djihad. Parfois, cela porte sur l’injustice, où les femmes sont dépeintes comme des victimes ayant besoin d’être protégées. Cela est moins fréquent dans les magazines de l’EI et du TPP, que dans ceux publiés par al-Qaïda et les talibans. »
« Ces derniers sont moins portés que l’EI et le TPP à vilipender les femmes ou à les dépeindre comme des modèles. l’EI a moins tendance qu’al-Qaïda, les talibans et le TPP à présenter les femmes comme des victimes. Al-Qaïda, les talibans et le TPP sont plus portés à décrire les femmes comme ayant besoin de protection. »
Ainsi, les magazines du TPP ont attaqué les politiques d’égalité entre les sexes des régions pakistanaises et de la militante Malala Yousafzaï, qui a été victime d’une attaque armée, tandis que l’EI et al-Qaïda s’en sont pris aux femmes qui ne respectent pas la Sharia, alors que les femmes pieuses et croyantes ont été dépeintes comme des modèles à suivre, écrivent encore les chercheurs.