Les années se suivent et la situation ne s’améliore pas: pour son bilan 2020, l’organisation Reporters sans frontières (RSF) fait état d’un « niveau historiquement haut » du nombre de journalistes emprisonnés à travers le monde, habituellement pour avoir simplement fait leur travail. Ainsi, après les 389 journalistes écroués en 2019, ce nombre est passé à 387 cette année. Seul point positif: cette stagnation, après une augmentation de 12% enregistrée en 2019.
Dans un rapport publié mardi, précise que de ce nombre, 345 hommes (89%) sont des hommes, alors que 42 (11%) sont des femmes. Depuis cinq ans, malgré la stagnation entre 2019 et 2020, le nombre de reporters emprisonnés a progressé de 17%. Du côté des femmes, cette croissance est de 35% par rapport à 2019, avec une hausse de 11 femmes envoyées en prison pour avoir tenté de rapporter les faits.
Et comme le précise RSF, cette augmentation représente le total des femmes qui ont été libérées et celles qui ont été écrouées, notamment au Belarus, où le régime en place, soucieux de conserver le pouvoir, multiplie depuis un an les actes de violence, les arrestations arbitraires, ainsi que les séances de torture pour ses opposants, qu’ils soient des figures proéminentes de l’opposition, de simples citoyens, ou encore des reporters.
Le rapport souligne par ailleurs que bien que l’on aurait pu s’attendre à ce que la pandémie de COVID-19 ralentisse les ardeurs liberticides de certains régimes autoritaires, notamment en raison du risque d’infection des journalistes s’ils sont détenus en prison, on dénombre plutôt pas moins de 14 reporters qui ont été emprisonnés pour avoir couvert la pandémie et, par extension, les efforts des différents gouvernements pour lutter (plus ou moins efficacement) contre le nouveau coronavirus.
Bien souvent, l’état d’urgence sanitaire a servi de prétexte aux gouvernements pour renforcer les attaques contre la liberté de presse et réduire l’accès aux informations étatiques dignes de ce nom.
Les cinq pays emprisonnant le plus de journalistes sont, en ordre d’importance, la Chine (117 détenus), l’Arabie saoudite (34), l’Égypte (30) et la Syrie (27). Tous sont des dictatures où la liberté de presse est quasi-inexistante, quand elle n’est pas simplement rayée de la carte.
En Chine, d’ailleurs, le gouvernement communiste serre toujours plus la vie aux médias plus progressistes de Hong Kong, l’ancienne colonie britannique, dans le but de faire disparaître le mouvement de contestation pro-occidental qui a donné lieu à plusieurs séries de manifestations, ces dernières années. Ces efforts trouvent aussi écho dans l’adoption de nouvelles dispositions légales pour imposer, peu à peu, les mêmes critères juridiques et policiers à Hong Kong qu’au reste de la Chine, en violation de la doctrine dite du « un pays, deux systèmes ».
RSF évoque aussi 41 journalistes qui sont aujourd’hui détenus en otage par divers groupes militants ou terroristes, notamment le groupe armé État islamique (25 otages), les miliciens Houthis (7 prisonniers), ou encore les principaux groupes terroristes, dont al-Qaïda, qui détiennent 13 reporters.
« Tous les otages se concentrent désormais dans trois pays de la zone Moyen-Orient », écrit l’organisation dans son rapport, qui nomme la Syrie, le Yémen et l’Irak.
Enfin, quatre journalistes sont portés disparus depuis le début de l’année 2020: Tawfik Al-Tamimi, rédacteur en chef du quotidien Al-Sabah, en Irak, qui a été kidnappé en mars à Bagdad; Bwira Bwalitse, directeur de la Radio communautaire de Bakumbule, en République démocratique du Congo, qui est disparu dans la région tourmentée du Nord-Kivu; Daysi Lizeth Mina Huaman, de la chaîne de télévision VRAEM TV, au Pérou, disparue après avoir couvert un scrutin municipal, et Ibraimo Mbaruco, journaliste à la Radio communautaire de Palma, au Mozambique, dont on est sans nouvelles depuis avril.
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