La montée des mouvements populistes transforme les systèmes politiques un peu partout dans le monde. Alors que l’appui envers ces mouvements « anti-élites » s’intensifie, plusieurs chercheurs tentent de savoir si le déclin économique et le renforcement des conflits entre les divers groupes jouent un rôle dans ce phénomène.
Un modèle mis au point par une équipe de chercheurs, notamment de l’Université Princeton, démontre comment la polarisation des groupes, la hausse des inégalités, ainsi que le déclin économique pourraient être étroitement liés.
Ce modèle s’appuie sur une théorie voulant que la polarisation des groupes tend à prendre de l’ampleur lorsque les temps sont durs sur le plan économique, et lorsque les inégalités sont en hausse. Malgré tout, même si les circonstances économiques s’améliorent, ces divisions pourraient demeurer profondément implantées.
Voilà pourquoi il est essentiel de renforcer les filets sociaux pour minimiser les conflits entre les divers groupes sociaux, ethniques et raciaux, affirment les chercheurs dans leurs travaux publiés dans Science Advances.
« Il arrive des moments où il est essentiel de retrouver l’unité nationale, comme nous le voyons en ce moment avec la COVID-19, mais nous ne devrions pas avoir à attendre une crise de santé publique ou une guerre pour rassembler les gens. Les décideurs et les membres des gouvernements devraient agir maintenant en investissant dans le renforcement des filets de sécurité sociale, qui peuvent prévenir l’élargissement des divisions sociales et politiques », mentionne Nolan McCarty, professeur à la Princeton School of Public and International Affairs.
Celui-ci a travaillé sur le modèle avec Alexander Stewart, de l’Université de Houston, et Joanna Bryson, de la Hertie School, en Allemagne. En utilisant des modèles d’évolution culturelle et de théorie des jeux évolutive, l’équipe a conçu son modèle pour examiner la volonté des gens à interagir avec d’autres personnes se trouvant à l’extérieur de leur propre groupe social.
La peur de l’autre
Ledit modèle s’appuie sur quelques assomptions – la première étant que le succès économique d’un individu est lié aux interactions avec les autres et la performance de l’économie qui sous-tend le tout. Les chercheurs assument également que les gens tendent à imiter le comportement des gens qui sont jugés comme ayant réussi, histoire que les comportements sociaux se répandent à travers le public.
Enfin, ils ont tenu pour acquis que les interactions au sein des groupes sociaux sont généralement moins risquées, avec des récompenses moins importantes, alors que celles avec des membres provenant de l’extérieur du groupe sont plus risquées, mais permettent d’envisager une récompense plus grande.
Cela signifie que lorsque les conditions économiques deviennent plus difficiles, les gens auront tendance à préférer la valeur sûre de l’interaction avec leurs proches et éviter les contacts avec les étrangers. Puisque ce comportement est imité, les interactions entre les groupes diminuent rapidement.
Ce modèle pourrait être utile pour expliquer des tendances politiques constatées à travers le monde. D’abord, le modèle soutient des théories voulant que les chocs économiques renforcent les mouvements d’extrême droite qui s’appuient sur la démonisation des groupes sociaux externes. Par exemple, la Grande Dépression et la crise de 2008 ont toutes deux mené à un appui renforcé envers les populistes d’extrême droite dans plusieurs pays, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni.
Lorsqu’il est question d’inégalités, la plupart des modèles suggèrent qu’un profond fossé en matière de répartition des richesses avantage ceux qui se trouvent à la gauche de l’échiquier politique, ainsi que ceux qui recherchent justement une meilleure redistribution des revenus. Le nouveau modèle des scientifiques ne démontre pas nécessairement une telle tendance, mais révèle plutôt une volonté de réduire les interactions chez l’ensemble des groupes sociaux. Puisque les interactions entre groupes sont bénéfiques sur le plan économique, la société s’appauvrit.
« Plutôt que de poursuivre le débat non productif à savoir si « l’anxiété économique » ou un conflit entre groupes est à blâmer pour notre monde politique profondément divisé, les experts devraient consacrer davantage d’efforts à évaluer la rétroaction négative entre l’économie et les politiques identitaires », affirme M. McCarty.
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