Lors de la première vague de la COVID-19, au printemps dernier, la plupart des pays ont imposé aux malades ou aux voyageurs revenant de l’étranger, un isolement complet de 14 jours, afin d’empêcher qu’ils propagent la maladie. Mais de plus en plus de critiques considèrent que cette exigence n’est pas nécessaire, et qu’elle pourrait même nuire au contrôle de la propagation. Le Détecteur de rumeurs a examiné la question.
Une quarantaine révisée à la baisse
Aux États-Unis, les Centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC), qui recommandaient jusqu’à récemment une quarantaine de 14 jours pour les personnes atteintes de la Covid-19, ont publié en octobre une recommandation de réduire cette période d’isolement à 10 jours après l’apparition des symptômes. En France, le gouvernement était déjà passé de 14 à 7 jours en septembre. Et l’Allemagne songe même à réduire la durée à 5 jours après l’apparition des symptômes.
Ce relâchement relatif s’explique par le fait que la période de 14 jours avait été proposée alors qu’on connaissait encore mal la COVID-19. Or, on sait maintenant que la très grande majorité des personnes atteintes ne sont contagieuses que pour une période d’environ sept jours au total. Selon une méta-analyse de 79 études sur la COVID-19, publiée le 19 novembre dans The Lancet, les porteurs du virus commenceraient à être contagieux deux jours avant de ressentir les premiers symptômes, et le demeureraient ensuite pendant environ cinq jours. Certes, certaines études ont signalé des cas extrêmes où des personnes présentant un système immunitaire en très mauvais état ont été contagieuses pendant 15 jours ou même jusqu’à 20 jours, mais cela demeure exceptionnel.
Au Québec, les études de l’Institut national de la santé publique (INSPQ) ont confirmé qu’après 7 jours, 80 % des cultures virales étaient négatives. Mais parce qu’une certaine partie des cultures sont encore positives par la suite, l’Institut fait partie de ceux qui ont préféré maintenir la recommandation initiale: une quarantaine de 14 jours pour les voyageurs en provenance de l’étranger ou pour les personnes non encore symptomatiques exposées au virus; et un isolement de 10 jours après l’apparition des symptômes pour les personnes dont le diagnostic est positif.
Mais cette approche prudente surestime peut-être le problème posé par les 20 % de malades dont les tests viraux demeurent positifs après plus de 7 jours. En effet, dans les tests PCR (l’acronyme anglais pour Polymerase Chain Reaction) utilisés pour diagnostiquer la maladie, les fragments d’acides nucléiques viraux présents dans les prélèvements sont « amplifiés » en une série d’opérations (ou « cycles »). Une personne dont la charge virale est élevée peut obtenir un test positif à partir d’une vingtaine de cycles d’amplification. Or, le diagnostic positif des patients, après plus de sept jours, requiert la plupart du temps des niveaux d’amplification beaucoup plus élevés, à un seuil de 30 ou 35 cycles… Cela indiquerait que leur charge virale est plutôt faible et qu’elles seraient moins contagieuses.
Une prudence contre-productive?
D’où la question que posait le 30 novembre la chroniqueuse santé du New York Times, Apoorva Mandavilli: les responsables de la santé publique devraient-ils raccourcir la période d’isolement imposée aux malades et aux voyageurs afin de rendre cette « quarantaine » plus facile à accepter?
Dans beaucoup de pays, la durée de l’isolement exigé représente en effet un vrai problème. Un sondage mené au Royaume-Uni a révélé que seulement une personne sur cinq était en mesure de respecter une quarantaine de plus de 10 jours. Cela devient encore plus compliqué pour les familles où une première personne infectée force toute la famille à s’isoler pour 14 jours; si cette personne malade infecte ensuite d’autres membres de sa famille, cela prolonge d’autant la quarantaine exigée… Plusieurs épidémiologistes estiment que, dans les circonstances, bien des personnes qui souffrent de symptômes mineurs choisissent de ne pas se faire tester, pour ne pas être obligées de s’enfermer aussi longtemps, rendant plus difficiles le suivi des éclosions et le traçage des contacts.
Sans oublier tous les effets secondaires négatifs associés à ces périodes de quarantaine, à la fois sur le plan économique et sur le plan psychologique.
En recommandant de réduire la période d’isolement de 14 à 7 jours, le Conseil scientifique de France a fait le pari que les gains associés à un meilleur respect des mesures de confinement seront plus élevés que les risques d’une transmission par les personnes peu contagieuses, au-delà du septième jour.