Oubliez Raymond Burr et les drames légaux pépères : en relatant comment le célèbre personnage est devenu avocat, la nouvelle mouture de Perry Mason est, haut la main, la meilleure jamais produite pour le petit écran.
1931, Los Angeles. Perry Mason est un détective privé tirant le diable par la queue. Le vétéran de la Première Guerre mondiale s’occupe surtout d’histoires de mœurs, en effectuant des filatures pour le compte de studios de cinéma voulant s’assurer que leurs acteurs vedettes respectent la clause morale de leur contrat et ne baisent pas à gauche à droite. Lorsqu’un bébé kidnappé est retrouvé mort malgré le versement d’une rançon de 100 000 dollars, son ami, l’avocat E.B. Jonathan fait appel à ses services afin de trouver les coupables. Entre les policiers corrompus ayant bâclé l’enquête, la congrégation religieuse louche que fréquentaient les parents du poupon assassiné et un procureur général avec des visées sur la mairie, l’affaire s’annonce particulièrement ardue, et quand la mère se retrouve au banc des accusés parce qu’elle a commis le « crime » d’être infidèle à son mari, Mason passera son barreau, dans l’espoir de sauver cette femme qu’il sait innocente, et dont personne ne veut prendre la défense légale.
Dépoussiérant le personnage créé en 1933 par Erle Stanley Gardner, Perry Mason: The Complete First Season a peu à voir avec les différentes séries télévisées produites entre 1957 et 1995 et mettant en vedette Raymond Burr, puisqu’elle raconte surtout comment Mason est devenu le célèbre avocat que tout le monde connaît. Au lieu de s’attarder sur une affaire différente à chaque épisode, l’intrigue présente un mystère beaucoup plus substantiel, qui s’étale sur l’entièreté de la saison. À l’image des romans de James Ellroy, il ne s’agit pas d’un simple thriller criminel, mais bien d’une chronique historique sur la Los Angeles des années 1930, dépeignant le puritanisme, le sexisme et le racisme de l’époque, avec en toile de fond la prohibition de l’alcool, la naissance d’Hollywood, et l’immense pouvoir qu’exerçait la religion et la morale sur les mentalités, affectant même l’application de la justice.
HBO a mis le paquet pour cette nouvelle série, et Perry Mason: The Complete First Season bénéficie clairement d’un énorme budget. S’inspirant de l’esthétique du film noir, la direction photo multiplie les images léchées, et la réalisation, qui s’accompagne d’une riche trame sonore composée de jazz des années 1930, est magnifique. La reconstitution d’époque est époustouflante, avec ses tramways et ses vieilles voitures, ses bordels chinois, et ses cérémonies religieuses exaltées sous un crucifix de néon. Plusieurs séquences à grand déploiement prennent place dans les tranchées lors de la Première Guerre mondiale, et puisque le meurtre d’un poupon soulève les passions, des foules de badauds et de journalistes sont toujours présentes lors des audiences en Cour, et partout où se déplace la mère accusée du meurtre de son propre enfant.
Je ne connaissais pas Matthew Rhys, qui reprend le rôle-titre, mais ce dernier livre un Perry Mason intense et attachant, et sa transformation à mesure que l’intrigue progresse est très crédible, alors qu’il affiche une malpropreté évidente dans les premiers épisodes avant de se raser et de se peigner lorsqu’il doit plaider en Cour. La performance de Gayle Rankin, qui incarne la mère injustement accusée, est très touchante. Avec des acteurs comme John Lithgow (3rd Rock from the Sun), Robert Patrick (Terminator 2), Shea Whigham (Boardwalk Empire), Chris Chalk (Gotham), Lilli Taylor (The Conjuring), Matt Frewer (Max Headroom) ou l’exceptionnelle Tatiana Maslany (Orphan Black), le niveau de jeu dans Perry Mason est d’une qualité irréprochable, et un pur plaisir pour ceux et celles qui apprécient le travail des comédiens.
Le coffret Perry Mason: The Complete First Season contient huit épisodes d’une heure sur deux disques au format Blu-ray. Du côté du matériel supplémentaire, on compte une revuette de cinq minutes où les auteurs et les acteurs principaux parlent du mythique personnage de Perry Mason, une autre présentant un portrait des divers protagonistes de cette première saison, une conversation virtuelle par vidéoconférence entre Robert Downey Jr, (l’un des producteurs exécutifs de la série) et Matthew Rhys, et une dernière où les producteurs expliquent pourquoi ils ont choisi de raconter ses origines, ce que les livres n’avaient jamais exploré, et la décision de faire une série télévisée plutôt qu’un film, comme c’était prévu initialement.
Avec un scénario prenant dont la fin ne se laisse pas deviner d’avance, une réalisation somptueuse et une distribution regorgeant d’acteurs de talent, cette nouvelle mouture de Perry Mason vaut vraiment le détour, et s’avère d’une telle qualité qu’on se demande comment la deuxième saison réussira à être aussi bonne.
8.5/10
Perry Mason: The Complete First Season
Réalisation : Tim Van Patten et Deniz Gamze Ergüven
Scénario : Rolin Jones, Ron Fitzgerald, Eleanor Burgess, Steven Hanna, Sarah Kelly Kaplan, Kevin J. Hynes, Howard Korder (d’après les personnages créés par Erle Stanley Gardner)
Avec : Matthew Rhys, Juliet Rylance, Chris Chalk, Shea Whigham, Tatiana Maslany, John Lithgow, Lili Taylor et Robert Patrick
Durée : 480 minutes
Format : Blu-ray (2 disques)
Langue : Anglais seulement (avec sous-titres en anglais)