Normalement, il faut jusqu’à dix ans pour passer de la recherche initiale à la distribution d’un vaccin à grande échelle. Selon le site de la chaîne de télé History, le vaccin contre les oreillons aurait été, en 1967, le plus rapide de l’histoire à être homologué, après seulement 4 ans. Avec la COVID-19, on espère livrer un vaccin en un temps record, soit à la fin du premier semestre de 2021, mais rien n’est garanti.
Malgré l’urgence, les équipes qui travaillent sur les vaccins doivent franchir avec succès toutes les étapes avant que leur vaccin soit commercialisé. Au début d’octobre, on recensait plus de 200 études en cours, dont une dizaine avaient atteint la dernière étape, celle des essais cliniques de phase III. Voici un aperçu de ce long parcours.
1. La recherche initiale
D’abord, il faut comprendre la maladie. À partir d’études et d’échantillons de terrain, les chercheurs doivent identifier le pathogène: est-ce un virus ou une bactérie ? De quelle nature ? On doit aussi clairement identifier les mécanismes de défense immunitaires contre le pathogène.
Il faut ensuite comprendre l’agent infectieux, c’est-à-dire déterminer ses propriétés génétiques et biochimiques et savoir comment il se reproduit. Par exemple, avec la COVID-19, il s’agit d’une protéine nommée « Spike » qui lie le virus aux cellules du corps humain grâce à un récepteur situé sur la surface de la cellule.
Enfin, il faut établir un modèle animal qui reproduit l’infection chez l’humain, puis trouver et concevoir la substance qui ciblera correctement l’ennemi; autrement dit, celle qui déclenchera la bonne réaction dans notre système immunitaire et lui permettra de reconnaître l’ennemi et de l’attaquer avec des anticorps appropriés.
2. Les études précliniques
Une fois la substance clef mise au point, on a un candidat vaccin. Il s’agit à présent de le tester. Première étape : des études précliniques, c’est-à-dire chez les animaux. Outre qu’on cherche à savoir s’il déclenche bel et bien la réaction immunitaire recherchée, on doit établir le dosage le plus efficace et démontrer sa stabilité et son innocuité.
Une fois qu’on a identifié l’antigène approprié, on doit le purifier pour être en mesure de le reproduire sur une base industrielle.
Ensuite, il faut sélectionner l’adjuvant (ou immunostimulant) approprié. Ce produit sert à stimuler davantage la réaction du système immunitaire. Il vise à produire notamment plus de cytokines. Les adjuvants de dernière génération permettent d’augmenter de manière spectaculaire l’efficacité des vaccins, mais ce n’est pas tous les vaccins qui en contiennent.
3. Études cliniques chez l’humain
Viennent ensuite les études chez les humains qui se divisent en 3 phases:
- Phase I : On commence des tests avec le vaccin pilote sur des petits groupes d’humains (20 à 100 volontaires sains). On mesure la réponse de l’organisme selon différentes doses. On évalue la sécurité et récolte le plus de données possible ;
- Phase II : On teste sur des groupes plus étendus (entre 50 et 500 volontaires sains), puis on détermine un calendrier et les doses optimales.
Dans le cas du vaccin pour le SARS-CoV-2, plusieurs vaccins ont jumelé les phases I et II et quelques-uns sont entrés en phase III dès septembre.
- Phase III : On fait des tests sur de très larges groupes (entre 500 et 10 000 personnes ; 30 000 dans le cas de la COVID-19, selon Cécile Tremblay, microbiologiste, infectiologue et professeure à l’Université de Montréal). Ces tests sont menés sur des volontaires sains : 50 % recevront le vaccin, 50 % un placebo. On mesure ainsi régulièrement, sur plusieurs mois, l’efficacité du vaccin par des tests sérologiques (on vérifie la présence d’anticorps résultant d’une exposition récente ou passée, par prise de sang) ou avec le test habituel pour la COVID-19 (par écouvillons). Puis on établit la liste des effets secondaires (inflammation, fièvre, troubles allergènes et articulaires, etc.). Cet enjeu est crucial dans la phase 3 : par exemple, un effet secondaire qui ne surviendrait que chez une personne sur 500 pourrait échapper aux écrans radars lors des phases 1 et 2. C’est dans ce contexte qu’il est fréquent qu’une étude de phase 3 soit temporairement interrompue, le temps de s’assurer qu’un problème apparu chez un patient n’a pas été causé par le vaccin.
4. L’homologation
Une fois ces trois phases terminées, les vaccins doivent être homologués par les autorités de santé (Santé Canada, Food and Drug Administration aux États-Unis, European Medicines Agency pour l’Union européenne). Celles-ci analysent les données scientifiques des études cliniques afin de confirmer l’efficacité et la sécurité du vaccin, ce qui prend normalement une soixantaine de jours. Une fois l’homologation obtenue, la société pharmaceutique peut commercialiser le vaccin.
Normalement, la communauté scientifique peut réviser les données scientifiques utilisées pour obtenir une homologation, ce qui ne fut pas le cas avec le vaccin russe Spoutnik V.
Le 11 août, le président russe Vladimir Poutine a en effet annoncé en grande pompe l’homologation d’un vaccin contre la COVID-19 qui serait commercialisé à l’automne, suscitant une controverse scientifique internationale. On apprenait du coup que la Russie autorisait la commercialisation avant la fin des essais cliniques de phase 3, et n’avait pas publié les données des essais cliniques des phases précédentes. Impossible, donc, de vérifier l’efficacité du vaccin. Ce sont des exemples comme celui-ci qui font que certains experts sont inquiets face à cette procédure accélérée (fast-track).
5. La commercialisation
Enfin, les vaccins peuvent être commercialisés.
La production industrielle est donc lancée par les grandes sociétés pharmaceutiques (Merck, Sanofi, GlaxoSmithKine, Pfizer) dans des usines certifiées par les autorités de santé, qui effectuent de minutieux contrôles de la qualité par lots.
Les vaccins sont ensuite livrés dans les cliniques médicales, cabinets de médecin, hôpitaux et agences de santé internationales, là où est inoculée la population cible, sous supervision des autorités de santé.
6. Les études de post-commercialisation (de phase IV)
Commencent alors les études de phase IV qui observent ce qui se passe sur le terrain. On mesure l’efficacité du vaccin et ses effets secondaires. On surveille également si le vaccin entraîne des complications de santé lorsqu’il interagit avec d’autres vaccins ou médicaments.
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