Une planète bouleversée, une civilisation affaiblie par la maladie et les divisions, mais aussi une volonté de corriger le tir, d’améliorer les choses: voilà l’ambiance plus que particulière dans laquelle navigue la déclinaison 2020 de Territoires de paroles, en collaboration avec le théâtre Prospero.. Rencontre avec Carmen Jolin, directrice artistique de ce méta-événement théâtral.
« C’est une série de laboratoires… ce ne sont pas spectacles », lance-t-elle au bout du fil. « Territoires de paroles, c’est quelque chose que j’ai créé en 2015-2016; je trouvais qu’avoir la possibilité, pour notre compagnie (le Groupe de la Veillée, NDLR), de faire deux créations seulement… Parfois trois, mais souvent deux… Je trouvais que ça ne nous laissait pas beaucoup d’espace pour découvrir de nouveaux textes, pour fouiller, travailler sur du matériel sans que nous ayons toujours l’occasion d’aller en production. »
« Explorer », « découvrir », « s’aventurer » sont autant de mots employés par Mme Jolin pour évoquer la liberté offerte par ce grand chambardement théâtral qui réunit notamment plusieurs metteurs en scène.
« Cela répond aussi au besoin de travailler en amont, sans la pression de la création d’un spectacle. De travailler en liberté sur un matériau dont le but premier n’est pas de monter un spectacle fini, mais de creuser, de s’intéresser à une nouvelle façon d’écrire le théâtre, de tester de nouvelles manières d’aborder la scénographie, ou de nouveaux moyens de livrer un texte », poursuit-elle.
Au total, ce sont six chantiers théâtraux qui seront explorés jusqu’en décembre, chantiers qui rassembleront une quarantaine d’artistes.
Les chantiers en question se déclinent aussi sous diverses formes. Le théâtre traditionnel, oui, mais aussi la littérature, la vidéo, ou encore le son; les artistes cherchent à élargir les frontières de l’art et rendre poreuses les limites entre les diverses formes d’expression.
Depuis la création de l’événement, il y a cinq ans, ce sont cinq productions issues de Territoires de paroles qui ont trouvé vie sur les planches, précise Mme Jolin.
Toujours selon elle, la pandémie de COVID-19, qui a chamboulé la programmation des salles de spectacle en imposant non pas un, mais deux confinements, s’est paradoxalement avérée bénéfique pour Territoires de paroles, puisque les artistes qui n’auraient peut-être pas pu se libérer, en temps normal, avaient maintenant la latitude nécessaire pour plonger dans cette exploration du monde théâtral.
« Nous avions prévu de faire une à deux présentations publiques de chacun des laboratoires, donc de donner une dizaine de représentations au public; est arrivée la deuxième fermeture du théâtre. Nous avons été privés du contact avec le public, mais nous avons décidé de maintenir les laboratoires. »
En attendant de retrouver le contact avec le public, Mme Jolin est certaine d’une chose: la maladie n’arrêtera pas la création artistique, y compris les créateurs de nouveaux imaginaires théâtraux.