Après des bandes dessinées consacrées au général de Gaulle, à Jean Moulin ou encore à Pierre Messmer, la collection Les Compagnons de la Libération dédie un album à Romain Gary, un écrivain qui n’a pas seulement marqué l’histoire littéraire française, mais s’est aussi battu pour sa patrie d’adoption.
L’Ordre de la Libération a été créé en novembre 1940 par le général de Gaulle afin de souligner l’engagement de ceux et celles qui ont rejoint la Résistance durant la Deuxième Guerre mondiale, et dont les actions ont servi à libérer la France. 1038 personnes ont reçu le titre de « Compagnons », parmi lesquels des militaires et des civils, des ouvriers et des chefs d’entreprise, des gens de peu et de futurs dirigeants politiques, et la collection Les Compagnons de la Libération vise à faire connaître ces héros, et leurs motivations, par le biais de la bande dessinée. Si la majorité des récipiendaires de l’insigne de la croix de Lorraine étaient Français, soixante étrangers de 22 nationalités différentes ont également reçu cet honneur, dont l’homme de lettres Romain Gary.
On connaît assez bien la carrière littéraire de Romain Gary, alias Émile Ajar, le seul auteur de l’Histoire ayant remporté le Goncourt sous deux noms différents, mais la plupart ignorent le rôle important qu’il a joué pendant la Seconde Guerre mondiale, un oubli que vient corriger cet album de la série Les Compagnons de la Libération. Né le 8 mai 1914 à Vilnius, dans une Lituanie sous occupation russe, c’est à sa mère Mina, francophile et fascinée par le pays des Lumières, que le jeune Roman Kacew doit son attachement profond à un pays qu’il ne découvrira qu’à l’âge de 14 ans. En russe, « Gary », le nom de plume qu’il s’est choisi, signifie « le feu », et le jeune sergent brûlera de se battre contre les ennemis de la liberté, même après que la France aie capitulé devant les nazis.
La bande dessinée relate une histoire plutôt ironique. En effet, durant les premières années de la guerre, Gary ne cessera de poursuivre les combats, mais arrivera trop tard la plupart du temps pour y prendre part. Avant de se distinguer par ses gestes de bravoure au sein des Forces aériennes françaises libres, l’aviateur se rendra au Maroc, en Lybie, au Nigéria ou en Éthiopie, débarquant toujours en retard, une fois que les affrontements s’étaient déplacés ailleurs. En Syrie, alors que, pour une fois, il arrive dans le feu de l’action, il contracte la fièvre typhoïde, et son état de santé est si grave qu’il reçoit même l’extrême-onction. Durant tout ce temps, il écrit à sa mère des lettres où il décrit des exploits héroïques et des faits d’armes fictifs, et travaille en parallèle sur son premier roman, Éducation européenne.
Bien que largement véridique, l’ouvrage prend toutefois quelques petites libertés. C’est le général Valin par exemple, et non Charles de Gaulle comme on peut le voir dans la bande dessinée, qui lui remettra la croix de la Libération. Surtout habitué de dessiner du heroïc fantasy, Claude Plumail livre ici des illustrations réalistes aux lignes épurées, où l’on reconnaît bien Gary et sa petite moustache lui donnant les airs distingués d’un aristocrate. L’artiste reproduit avec beaucoup d’efficacité les différents lieux de son périple, des rues bondées du Maroc en passant par la Place de France à Casablanca, le port de Glasgow, le camp d’Andover en Angleterre ou la terrasse du Winter Palace Hôtel à Louxor. L’album se conclut sur un dossier biographique de quelques pages, incluant des photos et documents d’archives.
Véhiculant un idéal de la race humaine, les romans de Romain Gary débordent de noblesse et de passion, et la bande dessinée qui lui est dédiée montre à quel point la vie de l’homme de lettres était à l’image de ses livres.
Les Compagnons de la Libération: Romain Gary, de Catherine Valenti et Claude Plumail. Publié aux éditions Grand Angle, 56 pages.