Tout en continuant la traversée du désert de son imperturbable héros, le second tome de The Shaolin Cowboy, qui se limite à présenter une seule et unique bataille s’étalant sur près de 140 pages, s’avère un peu décevant.
Mélange de western, d’arts martiaux, de surréalisme et de violence extrême, le premier tome de The Shaolin Cowboy (lire notre critique ici) était un pur délice, avec son héros bedonnant traversant un désert surpeuplé en compagnie d’un mulet particulièrement bavard et luttant contre des légions d’ennemis, dont un crabe cherchant à venger la mort de sa famille dévorée par ce John Wayne bouddhiste dans un buffet à volonté. Après avoir été avalé tout rond par un gigantesque dragon portant une ville antique sur son dos à la fin de l’album précédent, ce second tome s’ouvre six ans plus tard, alors que l’homme a finalement réussi à s’échapper de cet enfer intestinal par la porte arrière de la cité vivante. À peine sorti des entrailles de la bête, des centaines de zombies surgissent subitement du sol avant de se lancer à ses trousses. S’ensuit alors une hécatombe épique, où le Cowboy décapitera, déchiquètera, dépècera et mettra en pièces des hordes de morts-vivants.
Si le premier tome de The Shaolin Cowboy a prouvé que Geof Darrow n’avait pas peur de bousculer les codes de la bande dessinée, il pousse le bouchon un peu loin dans ce second volume, intitulé Buffet à volonté, en se contentant de présenter une seule et longue baston en guise de récit. Le héros affrontera en effet une foule de zombies si dense qu’il lui faudra l’album complet pour passer à travers, tout d’abord à la tronçonneuse puis, à mains nues lorsqu’il viendra à manquer d’essence. Pire, des pages 36 à 79, l’artiste reproduit exactement la même composition graphique, soit deux cases par planche surmontées du bruit de la scie mécanique pour seul texte. Le Cowboy a toujours été un homme de peu de mots, mais l’absence de son volubile mulet, qui agrémentait le voyage de ses observations sur tout et rien dans le volume précédent, se fait cruellement sentir dans ce deuxième opus.
Ce second tome inclut également une nouvelle inédite de soixante pages signée par Andrew Vachss, et intitulée Le chemin du non chemin, où le héros s’aventurera dans les « Terreur-toires » sur l’invitation d’un certain Amibe Toxique, qui lui a tendu une embuscade sous prétexte de l’engager. Le récit est aussi déjanté et abracadabrant que celui du premier album, et contient plusieurs formules imagées, comme « Le visage du Shaolin Cowboy montrait autant d’émotion que celui d’un prisonnier fabriquant des plaques d’immatriculation à la chaîne ». Bien que cette histoire s’agrémente de vignettes en noir et blanc de Darrow, l’album donne au final l’impression d’une bande dessinée décomposée, avec une première partie proposant des planches quasiment dénuées de dialogues, et une seconde partie composée de texte avec seulement quelques images ici et là.
Fort heureusement, les illustrations sont toujours aussi époustouflantes, et les dessins incroyablement minutieux de Geof Darrow continuent d’évoquer le travail du grand Moebius (dont il est d’ailleurs l’ami). Les hordes de zombies, où l’on distingue encore les tatouages sur les chairs en putréfaction, et les arabesques de sang, de dents, de cervelles et de tripes se détachant sur le ciel bleu du désert, constituent une véritable symphonie de violence, et sorte de commentaire sur cette race humaine qui souille tout ce qu’elle touche jusque dans les régions inhabitées, les rochers du désert sont couverts de graffitis et le sol est jonché d’une foule de déchets, dont des mégots de cigarettes, des boîtes de conserve éventrées, ou des cannettes écrasées. Même le satellite « Pence666 », qu’il esquisse dans une scène et qui flotte dans l’espace, est graffité et ceinturé de rebuts.
Après un premier tome aussi génial que bizarroïde, j’avais très hâte de lire la suite du Shaolin Cowboy, mais malheureusement, malgré ses magnifiques illustrations, ce second opus ressemble davantage à un exercice de style qu’à une bande dessinée.
The Shaolin Cowboy Tome 2 : Buffet à volonté, de Geof Darrow. Publié aux éditions Futuropolis, 200 pages.