Si vous n‘avez jamais entendu parler du Morbidity and Mortality Weekly Reports (MMWR), ce n‘est pas étonnant. C’est une « infolettre » des plus obscures pour le grand public —et en même temps, l’une des plus crédibles et des plus précieuses en santé publique depuis des décennies. Le fait que des fonctionnaires se soient ingérés dans son contenu en dit long sur la perte de crédibilité des agences américaines de la santé ces derniers mois.
L’histoire est d’abord apparue dans le magazine Politico le 12 septembre — un magazine spécialisé depuis des années dans la politique washingtonienne et non la science, mais qui jouit après tout ce temps de contacts privilégiés au sein de l’administration. On y lisait entre autres que la direction des communications du Centre de contrôle des maladies (CDC) — le directeur des communications, Michael Caputo, a été un des chefs de file de la campagne électorale de Trump — était parvenue à apporter cet été des modifications à certains des textes du MMWR. Et qu’avant cela, des « hauts fonctionnaires » s’étaient ouvertement plaints, dans des courriels obtenus par Politico, du fait que des rapports émanant du CDC « nuisaient aux messages optimistes du président Trump sur la pandémie ».
Le MMWR est un bulletin hebdomadaire qui, depuis les années 1930, sert d’alerte aux médecins et aux administrateurs de la santé — sur des problèmes émergents, comme le sida en 1981, ou sur des problèmes de l’heure, comme le coronavirus. Toucher au MMWR, c’est comme toucher au « saint des saints », ont immédiatement réagi des scientifiques et des médecins.
Mais Michael Caputo n’est pas la seule personne en cause puisqu’il y a un mois, l’autre grande agence américaine de la santé, la FDA, a aussi été visée, lorsqu’il est devenu clair que l’approbation du plasma sanguin de convalescent comme traitement contre la COVID-19, était venue après de fortes pressions de la Maison-Blanche. Et les regards sont à présent tournés vers un éventuel vaccin, pour lequel la Maison-Blanche semble également pousser la FDA à donner son accord à temps pour les élections. Cette semaine, d’autres documents révélaient qu’une recommandation publiée le mois dernier sur le site du CDC —les personnes sans symptômes qui ont été exposées au virus ne devraient pas se faire tester— n’avait pas été écrite par des scientifiques du CDC.
Le 15 septembre, Michael Caputo a présenté ses excuses pour avoir formulé une série de fausses accusations sur Facebook à l’égard du personnel du CDC —en plus d’admettre qu’il n’avait jamais lu un seul des bulletins MMWR. Et il a annoncé qu’il prenait un congé de maladie.