Si vous êtes tombé sous le charme de Succession, une production de HBO qui s’est vue décerner le titre de « meilleure série dramatique » aux derniers Golden Globe, vous serez heureux d’apprendre que la deuxième saison, disponible cette semaine en DVD, est aussi passionnante que la première.
La série télévisée Succession s’articule autour de Logan Roy, le propriétaire du puissant conglomérat médiatique Waystar Royco, que ses nombreux détracteurs qualifient de « poison pour la démocratie américaine », et de ses quatre enfants, Connor, Kendall, Shiv et Roman. La première saison (lire notre critique ici) s’est conclue dans le drame, lorsque la voiture que Kendall conduisait s’est engouffrée dans un lac, tuant l’un des membres du personnel qui se trouvait à bord. Le fils indigne a renoncé au putsch qu’il fomentait contre son père après que ce dernier ait utilisé ses ressources pour camoufler l’accident mortel auprès des autorités, ce qui n’a pas empêché ses anciens partenaires de poursuivre leur offre d’achat hostile. Dans ces dix nouveaux épisodes, Logan mettra tout en œuvre pour conserver la direction de la compagnie qu’il a fondée, mais il sera rattrapé par le passé, alors que le scandale de sa division de croisières, où plusieurs histoires criminelles ont été étouffées à travers les années, menace d’éclater au grand jour.
Il est assez particulier de regarder une série où aucun des personnages n’est sympathique. Après tout, même les Lannister dans Game of Thrones avaient Tyrion, mais tous les membres de la famille Roy, sans exception, sont détestables à différents degrés. Logan est un homme vindicatif qui utilise ses médias pour régler ses comptes. Connor n’a jamais rien fait de sa vie, Roman cache ses insécurités derrière un flot de remarques désobligeantes, Shiv manipule les gens pour atteindre ses fins, et Kendall a tenté, deux fois plutôt qu’une, de chasser son propre père de la compagnie, mais bien qu’on ne compatisse pas avec leurs problèmes, dont ils sont amplement responsables, on ne peut s’empêcher de suivre Succession avec intérêt, en partie à cause de son écriture bien ficelée, qui multiplie les répliques percutantes comme « On n’entend plus beaucoup parler de syphilis de nos jours, c’est un peu le MySpace des maladies vénériennes », mais aussi parce qu’il est réjouissant de voir ces gens riches et puissants recevoir la monnaie de leur pièce.
Cette deuxième saison de Succession colle de près à l’actualité. En plus du personnage de Logan Roy, qui semble directement calqué sur le baron médiatique Rupert Murdoch, la série évoque la baisse du lectorat et des audiences affligeant les journaux et la télévision en faveur de l’Internet. Des manifestants pro et antifascistes s’affronteront devant les bureaux de la chaîne d’information ATN après que les affinités néonazies de l’un de ses animateurs vedette aient été exposées, et la culture toxique de l’entreprise, où chacun abuse de son pouvoir pour écraser ceux qui sont en-dessous, utilisant même des subalternes comme mobilier humain, sera aussi abondamment explorée. Une fois de plus, les liens incestueux entre médias et politique se retrouvent au cœur de l’intrigue, alors que Connor songe à devenir président des États-Unis et que la famille Roy sera convoquée au Congrès pour s’expliquer. La chicane de famille prendra encore davantage d’ampleur lorsque le patriarche décidera de nommer Shiv pour lui succéder à la tête de la compagnie, au grand dam de ses autres enfants.
Succession se déroule dans la haute société, avec ses voitures dispendieuses, ses avions privés, ses manoirs remplis de domestiques, ses restaurants cinq étoiles et ses hôtels hors de prix, et à l’image de son sujet, la réalisation de la série est somptueuse. Tout en empruntant la facture d’un téléroman de luxe, le montage glisse ici et là des paysages grandioses de la ville de New York ou de l’Islande. Le niveau de jeu est également d’une grande qualité. Dans le rôle du patriarche de la famille Roy, Brian Cox est mercurien. Kieran Culkin (Roman Roy) se montre haïssable à souhait, Alan Ruck (Connor Roy) interprète à merveille un riche imbécile, et Sarah Snook (Shiv Roy) campe avec beaucoup de brio une jeune femme qui, derrière des allures de sophistication, est aussi odieuse et carriériste que le reste de sa famille. Joué par Jeremy Strong, le personnage de Kendall Roy est celui qui évoluera le plus dans ces dix nouveaux épisodes, et à cette distribution déjà impeccable, la deuxième saison ajoute Danny Huston et Holly Hunter.
Le coffret Succession: The Complete Second Season inclut les dix épisodes d’une heure chacun sur trois disques au format DVD, mais n’offre pas de code pour télécharger une copie numérique, comme c’est souvent le cas. Chaque épisode s’accompagne d’une courte revuette de deux minutes, où l’équipe de production en explore les thèmes plus en profondeur. Le matériel supplémentaire de l’édition comprend aussi un bref document, intitulé Invitation to the Set, où le créateur de la série Jesse Armstrong et les comédiens principaux parlent de cette seconde saison, et des différentes ellipses que traverseront leurs personnages.
Portée par une écriture et un niveau de jeu sans failles, cette nouvelle saison de Succession est complètement captivante, et en abordant des thèmes comme le pouvoir, les médias, la politique et la famille, la série se présente comme un croisement entre Dynasty et Citizen Kane.
8/10
Succession: The Complete Second Season
Réalisation : Mark Mylod, Andrij Parekh, Shari Springer Berman, Robert Pulcini, Matt Shakman, Becky Martin, Kevin Bray
Scénario : Jesse Armstrong, Jon Brown, Tony Roche, Georgia Pritchett, Will Tracy, Susan Soon He Stanton, Jonathan Glatzer, Mary Laws
Avec : Brian Cox, Kieran Culkin, Sarah Snook, Jeremy Strong, Matthew Macfadyen, Alan Ruck et Holly Hunter
Durée : 480 minutes
Format : DVD (3 disques)
Langue : Anglais seulement (avec sous-titres en anglais)